Un vent frais souffle sur la Villa Médicis : l’Académie de France à Rome accueille, cette année encore, seize pensionnaires aux profils éclectiques. Entre deux plats de pâtes, rencontre avec une promo déterminée.
De nuit, des silhouettes se découpent sur la façade intérieure de la Villa, traversent les jardins. Des chuchotements nous parviennent, de la musique au loin. De nuit, l’imposante Villa Médicis, située sur la colline du Pincio à Rome, se fait mystérieuse. On croirait que les deux lions sculptés qui gardent les jardins sont prêts à s’animer, que la fontaine centrale va faire jaillir de l’or, qu’un satyre va surgir de derrière un citronnier. Et pourtant, ce moment où les visiteur·ses sont tous·tes parti·es, où le personnel a regagné son chez-soi, où la Villa s’est vidée, est celui où elle devient, précisément, un lieu non pas de tourisme, mais de vie. Un endroit où le fantasme cède la place aux plats de pâtes cuisinés chez un pensionnaire, à un apéro organisé chez une autre, un endroit que l’on traverse comme l’on traverserait n’importe quelle maison, ébranlé·e tout de même par le décor qui tend à se faire oublier à force d’être traversé.
Le temps d’une année y vivent seize pensionnaires : des artistes, des auteur·rices, des chercheur·ses, toutes disciplines confondues (musique, livres, architecture, design, arts plastiques, visuels, chorégraphie, mise en scène, métiers d’art, recherches, restaurations…). Les fameux·ses pensionnaires de la Villa Médicis, sujets de mille et un rêves, comme la Villa elle-même, flamboyante bâtisse Renaissance qui abrite l’Académie de France à Rome depuis 1803.
Des rêves alimentés peut-être, entre autres, par deux livres reliés : L’Incognito, dans lequel Hervé Guibert retrace, sous couvert d’une fiction mordante à peine déguisée, son séjour à la Villa, et Hervelino, dans lequel son ami Mathieu Lindon évoque ses années romaines avec Guibert. Tous deux furent pensionnaires de la Villa (Guibert de 1987 à 1989, Lindon de 1988 à 1990) et racontent atermoiements artistiques et nuits furieuses. C’est avec l’idée de comprendre à quoi ressemble une année à la Villa Médicis en 2025 que l’on gagne Rome. Y a-t-il des bacchanales au programme ? Des festins sous les ors de la République ? Des artistes naviguant dans les jardins, sous la lune, en quête d’une inspiration divine sous LSD ? Des cadavres de bouteille sous les lions sculptés ?
La promotion des ermites
Pour rejoindre l’atelier de Jérôme Printemps Clément-Wilz, il faut traverser les jardins. Au mur sont accrochés des photos, des textes. Dans un coin, un tableau blanc. Au centre, une grande table et une chaise. C’est dans ce décor minimaliste que le cinéaste travaille au scénario de son prochain film, une fiction autour de la figure revisitée de saint Paul. Une grande première pour celui qui s’est fait connaître avec ses documentaires singuliers et puissants (Être cheval, Le Fils ou Ceci est mon corps, dans lequel il retrace ses années de procédure contre le prêtre qui l’a violé étant enfant).
Jérôme savoure. Ses yeux pétillent. Après que son dossier a été retenu parmi les près de 900 reçus, il a préparé et passé l’oral devant les membres du jury, et s’est vu sélectionné pour passer un an à la Villa Médicis avec une allocation mensuelle de 3 500 euros. À sa disposition : un atelier et un logement de trois pièces. Le must : pas d’obligation de résultat. Personne ne surveille la production de qui que ce soit. D’ailleurs, on parle très peu de production. Plutôt de processus. Ici, on vient chercher le luxe : du temps rémunéré. La dolce vita ? Jérôme nous arrête : “Je nous vois plutôt comme la promotion des ermites. On est déter. Enfin, c’est ainsi que je le ressens. J’ai senti dès mon arrivée des personnes qui avaient un horizon tellement éblouissant que leur seule tâche de l’année était de courir derrière. J’ai un ami qui m’a dit un jour : ‘Jette ton cœur et cours après.’ J’adore cette expression. Après, je ne jetterai jamais la pierre à un artiste qui décide de passer son année à lire des bouquins, à regarder YouTube et à visiter Rome. On est là aussi pour se nourrir, s’ouvrir. La création artistique, c’est quand même une dialectique étrange, puisqu’il s’agit de créer sur la vie et de la vivre. On est donc comme une boule dans un flipper, à se dire : ‘Quand j’écris, je me dis merde, il faudrait que je vive.’”
Une émulation bienveillante
Jérôme s’est lié d’amitié avec Louisa Yousfi, 37 ans, militante décoloniale et autrice du remarqué Rester barbare (La fabrique éditions, 2022), dans lequel elle questionne l’injonction faite par les pays occidentaux à l’assimilation des populations issues de l’immigration, niant de fait leurs identités. Elle partage le même sentiment d’urgence à créer que Jérôme, et s’emploie à travailler chaque jour sur sa première fiction – l’histoire d’une fratrie française issue de l’immigration qui retourne en Algérie enterrer le corps de leur père – plutôt qu’à visiter Rome et l’Italie.
“En tant qu’artiste, on manque souvent de temps et de moyens pour aboutir à une œuvre. Là, on nous les donne. On n’a donc plus d’excuse. Ça me met une pression ! Au début, j’ai eu du mal à m’y mettre, à jouir de cet endroit et de ce mode de vie, parce que c’était trop. J’étais sidérée, écrasée par ce lieu. C’était trop et je savais qu’on allait me l’enlever au bout d’un an. On te donne ton rêve et on te le retire… ça fait souffrir. Donc on a peur d’habiter ce rêve-là.”
Et puis Louisa Yousfi s’est recréé une routine, un foyer, entourée de ses deux enfants en bas âge et de son compagnon vidéaste. “Il y a une vraie vie sociale qui ressemble un peu à un truc universitaire. On se voit essentiellement à la cantine, un lieu de rendez-vous implicite. J’avais peur au départ de retrouver une logique lourde et scolaire. Mais on n’en a que le bon côté. Ce sont toutes et tous des artistes confirmés, et il n’y a aucune compétition entre nous.”
Le reflet de l’époque
Son arrivée n’a pourtant pas été de tout repos. Lorsque son nom a été communiqué parmi la liste des seize pensionnaires de la promotion 2024-2025, le sang de certain·es n’a fait qu’un tour, à commencer par le média Franc-Tireur (piloté par Caroline Fourest, Denis Olivennes, Raphaël Enthoven…) qui titrait un article “Villa Médicis : pension complexe”. Il lui était reproché d’être antirépublicaine, comme ses positions pro-palestiniennes. “Ils ont appelé le ministère de la Culture, qui est tout de même sensible à ce qu’il n’y ait pas trop de vagues… Ils protestent contre une promotion woke !”
La promotion 2024-2025 est effectivement un reflet de l’époque. Les questions identitaires infusent les esprits comme les projets. “C’est une direction qui assume de se mettre en danger en ouvrant ses portes à des profils qui sembleraient plutôt voués à rester dans les marges, analyse Louisa Yousfi. Moi, j’étais convaincue que j’étais condamnée à être boudée par l’institution. Il y avait une forme de cordon sanitaire maintenu autour des travaux décoloniaux. Mais une percée a eu lieu avec le fait que je sois admise. C’est le signe de l’ouverture de la Villa, mais aussi des acquis de la lutte antiraciste, de la lutte décoloniale, qui a su asseoir sa contre-hégémonie sur les plans intellectuel, politique, esthétique…”
A-t-elle craint de lisser son propos en acceptant d’être logée, nourrie et blanchie par le système ? “Bien sûr, et c’est ainsi que je reste vigilante. Cela rejoint les questions liées à l’intégration, à la récupération, à la neutralisation des propositions barbares. Je n’ai jamais considéré qu’il existait un hors-champ dans lequel on pouvait résister. On est dans la gueule du loup quoi qu’il arrive. L’intérêt est donc d’aller là où est le pouvoir, et non de le snober en faisant croire qu’on préserve ainsi sa pureté militante. Et puis, on est venus me chercher, au sens où on m’a acceptée telle que je suis. On ne m’a pas façonnée de manière à correspondre à un discours consensuel. Je n’ai rien eu à arrondir, ni à cacher. Je dirais également que pour faire un bras de fer, il faut bien serrer la main de l’autre…”
Dérangez-vous les un·es les autres
À la direction de la Villa, on retrouve Sam Stourdzé, ex-directeur des Rencontres d’Arles, spécialiste de la photographie, nommé en 2020 par Franck Riester, alors ministre de la Culture, et Emmanuel Macron. “Ce qui est politique cette année, c’est que les pensionnaires parviennent à vivre ensemble. Entre eux, ça marche. Ce qui n’est pas toujours le cas. Théo Mercier, à la fin de son séjour, était plutôt remonté contre la Villa, par exemple. Il a eu besoin de quatre ans pour digérer, se souvient-il. Mettre ensemble des gens qui sont des expressions de minorités variées, qui ont des horizons et des engagements différents, n’est pas simple. Je pense que c’est un lieu où l’on prend soin de soi et des autres, ce qui est une manière de prendre soin de son travail. C’est un luxe nécessaire dans la vie d’un créateur, car c’est un moment rarement proposé. Les Italiens ont inventé la slow food, voici le slow art ! C’est l’otium, ce temps désintéressé nécessaire à chacun pour se reconstruire. Par opposition au negotium, le temps intéressé.”
Sam Stourdzé a bâti son projet sur les notions de mobilité et d’agilité, avec pour objectif de casser l’image un brin figée et impressionnante de la Villa Médicis, pour ne pas dire hors-sol. Ce qui se traduit dans le choix des pensionnaires, mais aussi dans celui des résident·es qui passent de quinze jours à un an dans les murs et bénéficient d’une allocation mensuelle variant entre 1 500 et 2 500 euros (parmi elles et eux, l’autrice-compositrice-interprète Barbara Carlotti, qui y a façonné son dernier album, l’enthousiaste Chéris ton futur !). “Quand les pensionnaires commencent à s’endormir sur leur année, un résident court est dans une urgence qui va les rebooster. On accueille également chaque année 150 professionnels : des curateurs, des DA, des responsables de festivals… Il y a beaucoup de dialogues possibles. Pendant longtemps, on ne voulait pas que les jardiniers de la Villa et les pensionnaires se dérangent. Aujourd’hui, on veut qu’ils se dérangent réciproquement ! Ils ont des choses à se dire. Ce lieu devient un terrain d’expérimentation.”
“Au début, tu as envie de tout embrasser, de faire des bisous aux murs” Sam Stourdzé
À l’écoute des pensionnaires, Sam Stourdzé analyse finement les montagnes russes pouvant les secouer, distinguant même quatre phases : la première, le moment de sidération face à la beauté du lieu ; la deuxième, la difficulté de la page blanche, du manque d’objectif de production, “pouvant flirter avec la dépression” ; la troisième, la mise au travail de l’artiste qui sent poindre la fin de l’année ; et enfin la quatrième, le retour au réel, parfois sans fric, avec la nostalgie de la parenthèse enchantée.
Effectivement, c’est à peu près ce qui ressort de nos échanges avec une partie des pensionnaires, qui alternent phases solitaires et périodes d’euphorie collective. “Au début, tu as envie de tout embrasser, de tous les serrer dans tes bras, de faire des bisous aux murs, et puis j’ai trouvé mon rythme, entre le temps de mon intériorité et le temps de l’échange. J’ai vécu des coups de foudre intellectuels avec des artistes pensionnaires ou de passage”, raconte Jérôme Printemps Clément-Wilz, par ailleurs membre du bouillonnant collectif artistique Le Wonder, installé à Bobigny, et qui apparaît dans le clip de Barbara Carlotti tourné à la Villa, Roma Amor.
Une ligne sur le CV
Des connexions artistiques se créent également autour de l’exposition de fin d’année, qui rassemble les œuvres finies ou non que les pensionnaires souhaitent montrer. Louisa Yousfi a par exemple noué des liens avec le plasticien Nicolas Daubanes, qui travaille autour du monde carcéral et avec qui elle présentera une œuvre mi-plastique, mi-littéraire en juin. “L’art contemporain ne me parlait pas du tout. C’est avec lui que j’ai compris ce qu’était un langage par la matière. Déjà, lui, il le porte en lui. On le voit dans la manière qu’il a de se tenir. En plus, on émane un peu d’une même origine sociale. C’est un enfant d’ouvriers qui a aussi un rapport distancié au monde de l’art, qui s’en méfie même, dans un mouvement assez réflexif.”
Nicolas Daubanes, grand gaillard de 42 ans très volubile, nous accueille dans son atelier à la nuit tombée. Des œuvres sont posées contre les murs, des représentations de bâtiments, des univers carcéraux réalisés à la poudre de fer aimantée, sa spécialité. L’artiste travaille d’arrache-pied, de 9 h à 22 h, avec une pause déj tout de même, en mettant souvent des films en fond sonore. Il nous lâche d’entrée de jeu : “La Villa Médicis n’a jamais été un rêve. Jamais. Quand je suis arrivé ici, le comptable m’a demandé pourquoi j’étais venu. Et j’ai répondu très honnêtement : pour le CV. Tu ne seras pas artiste toute ta vie parce que t’es passé par ici, mais forcément, ça aide. Moi je viens d’un milieu prolo, mes parents ouvriers sont morts. Je n’ai à la base aucune connexion, rien. Pour durer dans la vie, toutes les armes artistiques sont bonnes. Si tu es représenté par une galerie, tu peux vendre un peu et donc continuer à produire. Mais c’est comme les joueurs de tennis. Il y en a deux qui maîtrisent le monde entier, et les autres perdent en huitièmes de finale. Tu comprends ce que je veux dire ? Moi, j’arrive à vendre quelques œuvres car j’ai deux galeristes avec qui je m’entends très bien.”
Et comment se passe le quotidien à la Villa ? “Depuis que je suis ici, je me prends au jeu. T’es choyé, t’es un artiste, on t’écoute !” Nicolas Daubanes multiplie les projets : alors que son portrait des sœurs Papin est exposé au MAC VAL dans le cadre de l’expo Faits divers, il avance sur une exposition au Panthéon, ainsi qu’au musée de l’Armée. Pour cette dernière, il travaille sur du béton auquel il ajoute du sucre, “parce que les résistants, pendant la Seconde Guerre mondiale, mettaient du sucre dans les bunkers pour les fragiliser. Chez moi, le sucre va former comme des plaies dans le béton”. Les prisons, Nicolas Daubanes ne fait pas que les représenter ; il les fréquente, animant régulièrement des ateliers avec des détenu·es. “Je me demande souvent pourquoi, moi, je n’ai pas fait ce choix, à un moment, d’aller braquer des supérettes. C’était sûr que je n’allais pas bosser comme mes parents, qui ont donné leur vie au travail. Si moi j’allais dans la supérette, c’était soit en consommateur, soit pour prendre la caisse. Je vais aussi en prison pour voir ces gens qui, eux, ont fait un certain choix. Je ne les excuse pas. Mais ils sont souvent tellement foudroyés par le malheur qu’ils en arrivent là.”
“Ça fait un bien fou, cette année !”
Autre personne, autre projet, autre monde : née en Afrique du Sud, installée en France depuis dix-neuf ans, la plasticienne Bianca Bondi explore le vivant, la matière, le sensible dans des installations immersives (même si elle rejette l’appellation, qui fait trop “spectaculaire”). Après un oral chaotique passé en visio depuis le désert saoudien où elle travaillait, Bianca débarque à la Villa afin de décrypter les sacella, de petits sanctuaires antiques aux fonctions encore mystérieuses. Y en a-t-il eu un sur le site de la Villa ? Et si non, pourquoi n’en créerait-elle pas un, au beau milieu du Bosco, la forêt de chênes verts qui jouxte le parc ? Un projet qui s’inscrit dans une démarche plus ample, visant à réensauvager le Bosco, en reconstituant son écosystème disparu. Autre objectif : réimplanter des abeilles, et donc certaines plantes, sur le site.
Bianca Bondi est adepte de spiritualité, pour ne pas dire de la wicca, une forme de néopaganisme basé sur l’harmonie avec le vivant. Lorsqu’on prononce le mot de sorcellerie, elle se montre un poil gênée par tous les clichés désormais véhiculés par ce terme. “C’est devenu une mode, donc je le mentionne moins. À l’origine, c’est très personnel. C’est ma manière de concevoir mes idées, et une source d’inspiration.” Plus tard, elle s’exclame : “Ça fait un bien fou, cette année ! J’ai eu un enfant qui a 2 ans et a déjà voyagé sur les quatre continents suivant mes projets. On peut se dire que c’est trop cool, mais en fait non, c’est difficile. Je bougeais, je travaillais, je n’ai pris aucun congé maternité. J’ai toujours ressenti une pression en tant qu’artiste femme.” Elle s’est rapprochée des autres parents (onze enfants résident à la Villa cette année). “Je suis sûre que cela ne se passe pas aussi bien tous les ans. J’ai l’impression que nous sommes toutes et tous des personnes politisées et bienveillantes.”
Vivre dans une bulle…
On rejoint Haig Aivazian à la cafétéria, ornée de sculptures. Basé à Beyrouth, où il a dirigé durant deux ans le Beirut Art Center, ce plasticien de 45 ans a la mine grave. Et pour cause : l’offensive menée par Israël contre la Palestine s’est étendue au Liban, où les bombardements font rage au moment où on le rencontre. “Pendant longtemps, j’ai eu du mal à me concentrer. Il faut que je parvienne à compartimenter dans ma tête, de façon à ce que, quand je suis ici, je sois vraiment ici. Souvent, mon corps est ici, mais mon cœur et mon esprit sont au Liban. Je vais m’organiser des allers-retours plus fréquents, cela m’aidera peut-être. Les collègues ont été superbes, même dès le départ où je ne connaissais pas grand monde. Les gens venaient vers moi pour s’assurer que j’allais bien.”
Au sujet de la Villa, il est le premier à convoquer le terme de “bulle” : “Architecturalement parlant, c’est fermé, c’est une bulle. À double membrane. Il y a la bulle Villa, puis la bulle du quartier qui est hyper-touristique. Il faut faire du chemin pour arriver à quelque chose qui ressemble à… [il réfléchit] la réalité. Je pense que depuis quelques années, il y a un vrai effort pour percer cette bulle. Le simple fait que ce ne soit plus réservé aux Français mais aux francophones, par exemple.” Il nous expose son projet à demi-mot, réticent à le partager avant qu’il n’ait trouvé une forme définitive : “Je m’intéresse aux infrastructures, et à l’idée de construire des infrastructures alternatives. Si les infrastructures sont faites pour déposséder une population, quelle serait une infrastructure au service de cette population, à l’abri de la surveillance ? Je réfléchis donc à l’éclairage et aux tunnels.”
“Il y a une certaine obscénité à être ici pendant le génocide à Gaza. Comme il y a une obscénité à border ses enfants pendant que d’autres sont massacrés” Louisa Yousfi
Haig Aivazian n’est pas le seul à être hanté par le monde extérieur. Louisa Yousfi explique : “Il y a une certaine obscénité à être ici pendant le génocide à Gaza. Comme il y a une obscénité à border ses enfants pendant que d’autres sont massacrés. Plus tard, on dira que cette époque-ci a sacrifié un peuple, et qu’il s’agissait des Palestiniens. Et on se demandera ce que les gens qui produisaient des choses ont écrit, ou dit. On ira chercher dans les œuvres. Chez moi, la Palestine a pris une place dans mon livre. Elle a poussé dans le livre. On me donne la possibilité d’écrire un livre et je ne parlerais pas de ça ? Ou, plutôt, je n’en ferais rien ? Je travaille une forme à partir de ce que ça nous fait d’être écrivain à ce moment-là de l’histoire. Chaque génération a sa mission à accomplir, ou à trahir.”
Dans le parc, la bulle suit son cours : les oiseaux chantent, des paons gambadent, des touristes nous regardent, l’air de se demander si l’on fait partie ou non des pensionnaires. Jérôme Printemps Clément-Wilz n’y prête plus attention, occupé par son scénario, par la figure de saint Paul, par celle de Pasolini, à qui il a écrit des lettres qu’il est allé jeter dans la mer, une nuit, près de Rome. Il résume : “On est pas mal de pensionnaires à travailler sur la marge, sur l’invisible. Et savoir que d’une certaine manière, on est validé, que notre quête est valide, c’est pas rien. Depuis que je suis ici, je me dis que mon œuvre vaut quelque chose. Et qu’il y a des ponts à jeter entre des personnes d’âges, d’origines différents. Et que je ne suis pas seul.”
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