Samaa Wakim et Samar Haddad King, deux artistes palestiniennes, signent une performance sonore et dansée pour mettre en scène la question de la frontière. Une expérience radicale.
Il suffit à Samaa Wakim d’un simple élastique pour figurer le conflit israélo-palestinien. Un simple élastique vert, tendu en diagonale en travers de la scène, comme la frontière infranchissable représentée par les cartes d’état-major israéliennes ; un simple élastique vert pour figurer l’impossibilité d’échapper à la violence avec laquelle les Palestinien·nes composent au jour le jour. Il faut la voir, Samaa Wakim, tenter de trouver l’équilibre sur ce précaire accessoire, se propulsant au devant de la scène, rebondissant, inlassablement, debout, tandis que derrière elle le chaos gronde, avec ses bombardements, ses cris, ses fracas et cette fureur incessante. Une façon pour la danseuse et artiste palestinienne vivant à Haïfa de traiter le traumatisme de l’occupation qui se transmet de génération en génération. “Les mots ne parvenaient pas à saisir ce que je ressentais, explique la jeune femme. Alors nous nous sommes mises en tête d’en passer par la danse et le son pour évoquer ces horreurs, d’une manière impressionniste et certainement plus directe, une façon de traduire l’indicible…”
Et de nous propulser dans son for intérieur. En fond de scène, derrière ses machines, Samar Haddad King, elle aussi palestinienne et qui cosigne le spectacle, compose une bande originale en direct à laquelle se mélangent des bruits prélevés au quotidien infernal, au détour d’un checkpoint ou d’une nuit particulièrement meurtrière. On s’y croirait, d’abord déboussolé·e, puis aux aguets ; l’oreille se faisant à tout. “En Palestine, on passe notre temps à identifier les sons, afin d’évaluer le niveau de dangerosité. Ce faisant, c’est très étrange, mais la peur se dissipe.” Et puis, sans trop en dévoiler, l’horreur fait place à l’espoir. Il y aura ces bombardements se transformant en feux d’artifice pour évoquer un soir de fête, et la voix de la grand-mère de l’artiste, si douce, si réconfortante pour figurer un monde enfin imperméable à l’angoisse.
Losing It, conception Samaa Wakim et Samar Haddad King, au Glob Théâtre, Bordeaux, les 13 et
14 octobre à 19 h 30.
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