Copier les maîtres, un tour au LUMA Arles… Voici les expositions à ne pas manquer en juin.
Vertigo à la Villa Carmignac
En rassemblant une cinquantaine d’œuvres exceptionnelles, issues de la collection Carmignac et d’institutions publiques ou privées (Richter, Soto, Turrell, Elíasson, Klein, Ruff, Hartung…), l’exposition curatée par Matthieu Poirier, Vertigo, traverse l’histoire contemporaine de l’abstraction pour mettre les corps des visiteur·ices à l’épreuve d’un état de conscience modifié.
Le vertige est ici le mot ajusté pour signifier combien la beauté de paysages flottants et cosmiques a parfois l’effet d’un élixir, sinon d’une drogue hallucinogène. Le motif commun de toutes les œuvres réunies est l’arrachement à la figuration, aux apparences, aux images matérielles, au naturalisme de la représentation. D’une pièce historique de James Turrell (Prado, Red) à une sculpture composée de 453 tubes de métal jaune du pionnier de l’art optique et cinétique, Jesus-Rafael Soto, Esfera Amarilla, de sculptures majestueuses d’Olafur Eliasson à une large série de peintures abstraites (Bridget Riley, Gerhard Richter, Helen Frankenthaler, Flora Moscovici, Hans Hartung, Isabelle Cornaro, Anna-Eva Bergman…), le parcours oscille entre des couleurs vives et des zones opaques, des troubles et des turbulences, des abîmes et des visions telluriques, des pleins et des déliés… Mathieu Poirier parle à propos de tous les artistes rassemblés d’une “sensibilité sismique où prédominent l’instabilité, la mutation et le phénomène”. Tous jouent avec les distorsions visuelles pour nous “rapprendre à voir le monde”, selon les mots de Maurice Merleau-Ponty dans La Phénoménologie de la perception. Et c’est sublime.
Vertigo à la Villa Carmignac, Île de Porquerolles, jusqu’au 2 novembre
Wolfgang Tillmans au Centre Pompidou, BPI
Alors que le Centre Pompidou fermera ses portes en septembre pour cinq ans, un ultime tour de force s’y joue tout l’été avec une gigantesque exposition du photographe allemand Wolfgang Tillmans dans les espaces de la BPI. Une expérience spatiale dévoilant la multitude d’images iconiques qui traduisent depuis les années 1990 un certain état de la jeunesse alternative et du monde saisi dans ses détails infinis. Car peu d’artistes traduisent autant que Wolfgang Tillmans un sentiment de proximité avec les choses et les êtres dans leurs images.
Si les fracas concrets de l’histoire politique échappent souvent à ses paysages, à ses portraits, à ses natures mortes ou à ses pures abstractions, ils vibrent secrètement au cœur même de ses photographies, à la fois mystérieuses et familières, comme des instantanés de l’époque, des fragments du présent. La bibliothèque sera vidée de ses livres et de son mobilier. Seules quelques étagères et quelques tables lui serviront de présentoirs et de vitrines, sans parler d’un grand mur vidéo LED projetant ses sons et vidéos. L’occasion rêvée de mesurer la puissance de son œuvre marquée par une hybridation entre un ethos documentaire, naturaliste, et une stylisation formalisée du monde. Corps de jeunes garçons, portraits de stars (Frank Ocean cultissime), mégots de cigarettes, fruits ensoleillés, coques de noix brisées, épluchures d’orange, kiwi coupé en deux, T-shirts tachés, drapés suspendus, bords de mer, avions en perdition, manifestants en colère, images abstraites, dos nu avec une main posée dessus… le spectre de la production photographique de Tillmans, extrêmement large sur le plan du contenu et sur le plan formel, échappe à toute réduction classificatoire. Le sommet de l’été artistique.
“Wolfgang Tillmans, Rien ne nous y préparait−Tout nous y préparait”, du 13 juin au 22 septembre 2025, Bibliothèque publique d’information, niveau 2
Danse avec les démons au LUMA Arles
De Roni Horn à Carsten Höller, de Doug Aitken à Douglas Gordon, de Theaster Gates à Aura Rosenberg, de Thomas Ruff à James Barnor, de Fischli et Weiss à Maurizio Cattelan…, les magistrales pièces, issues de la Fondation Beyeler et de LUMA Fondation, se regardent dans un mouvement d’ensemble, chacune d’entre elles devenant la continuation d’une autre, y compris lorsqu’une distinction formelle les oppose (abstraction/figuration ; photographie/sculpture ; installation/peinture…). Accrochées les unes contre les autres sur des murs géants, sans espace de séparation, se regardant entre elles plutôt qu’en faisant face aux visiteur·euses, les œuvres s’assemblent et se greffent en traçant une ligne parfaite, pensée comme le manifeste d’une interdépendance esthétique.
“Comme Bruno Latour affirmait que nous n’avons jamais été modernes, on pourrait avancer que nous n’avons jamais été autonomes”, suggérait, le jour de l’ouverture, l’artiste Tino Sehgal qui, accompagné de Flora Katz et Franny Tachon, a pensé l’accrochage de l’exposition comme un tour de force autour de l’idée de continuité entre les œuvres. Au-delà de ces connexions secrètes, l’exposition met en lumière une scène majeure, émergée à la fin des années 1990, de Douglas Gordon à Philippe Parreno, qui expose sur la pelouse extérieure une machine hallucinante (Membrane, sorte de tour dotée de capacités cognitives, réagissant à l’humidité, la vitesse du vent, au bruit à la vibration du sol). Une autre sculpture éphémère de Fujiko Nakaya dans le jardin, constituée de nuages de vapeur d’eau flottant en fonction du vent au-dessus d’un bassin, parachève le parcours démoniaque.
Danse avec les démons (titre variable, devenant au fil du temps, Rêves fantômes, L’été se termine, Je ne sais pas si ce désir est le mien, Tout mon amour déborde…) au LUMA Arles, jusqu’au 2 novembre 2025
Copistes au Centre Pompidou-Metz
La copie a toujours été au cœur de la tradition classique : copier d’après les maîtres, apprendre d’eux des techniques, absorber leur expertise, fut une voie pour le savoir et la création. En partant de cet état de fait qui a défini une grande part de l’histoire de l’art, Donatien Grau, conseiller pour les programmes contemporains du musée du Louvre, et Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz, ont imaginé un jeu à la fois pernicieux et passionnant : proposer à une centaine d’artistes contemporains de répondre à une commande formulée ainsi, “À partir de l’œuvre de votre choix conservée parmi les collections du musée du Louvre, imaginez sa copie”.
Dans cette histoire pluriséculaire de la copie à partir du XVe siècle, le musée du Louvre a joué un rôle essentiel. Dernier musée à être titulaire d’un bureau des copistes, existant depuis l’ouverture de l’institution en 1793, il demeure au cœur des dispositifs de copie en France. Peintres, dessinateurs, mais aussi sculpteurs, vidéastes, designers et écrivains, tous les artistes invités se prêtent à ce jeu archaïque, pour repenser le geste de la copie à l’heure du retour de la figuration en peinture et surtout des outils numériques, qui sont autant de matrices à copie. Copier, c’est créer ; une exposition importante à laquelle tous les professeurs ayant puni les élèves désinvoltes scrutant les cahiers appliqués de leurs voisins de table sont chaleureusement invités.
Copistes au Centre Pompidou-Metz, du 14 juin au 2 février 2026
Pierre et Gilles, mondes marins aux Franciscaines-Deauville
Depuis leurs débuts dans les années 1980, les maillots marins – de Jean Paul Gaultier ou d’Étienne Daho – se sont imposés comme un fétiche de Pierre et Gilles. Dès 1978, les photographes se représentaient en jeunes marins ultra-sexy dans un autoportrait programmatique, des bières à la main, entourés de fleurs, les t-shirts rayés en bleu et en rouge. L’exposition des Franciscaines à Deauville le rappelle avec force, mais elle déborde surtout la seule obsession de ces maillots à rayures pour plonger dans les abysses d’un imaginaire marin et portuaire global, presque constitutif d’une vision du monde où la mer serait l’origine de tout : du plaisir, de l’aventure, de l’amour et de l’inquiétude.
Au fil du parcours pensé par Pierre et Gilles, accompagnés d’Annie Madet-Vache, directrice du musée des Franciscaines, la légèreté pop et érotique de marinières et de bérets à pompons se mêle à la gravité presque mortuaire de l’esthétique portuaire, de naufrages, de tempêtes ou de sirènes pas très claires… Si une tension érotique vibre un peu partout, y compris dans la représentation de jeunes marins angéliques aux yeux bleus et de militaires aux biceps saillants, les photographes laissent flotter leurs idées mélancoliques. Des moussaillons font des prières (Lukas Ionesco), des stars se font submerger par les vagues (Isabelle Huppert dans la peau d’Ophélie), Kylie Minogue se transforme en Vierge Marie, protectrice des marins. Pierre et Gilles naviguent dans les flots de leurs obsessions pour signifier avec une parfaite cohérence combien la mer a bercé leur cœur pour la vie, comme le chantait Charles Trenet.
Pierre et Gilles, mondes marins aux Franciscaines-Deauville, jusqu’au 4 janvier 2026
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