Mention spéciale du jury lors du festival Premiers Plans d’Angers, prix du public au Festival de Sundance et représentant de l’Irlande aux Oscars, le premier film de Rich Peppiatt arrive dans nos salles avec un certain pedigree.
Kneecap retrace la création du groupe de rap nord-irlandais, formé par deux trafiquants de drogue devenus emblème culturel et politique d’une nouvelle génération (ils sont accessoirement dans la sauce après avoir affiché leur soutien à la Palestine sur scène à Coachella le mois dernier). Leur nom fait référence au “knee-capping”, une punition paramilitaire popularisée durant les conflits nord-irlandais et qui consistait à tirer dans les genoux. Le nom est ici détourné comme symbole de révolte et d’identité.
Le film s’ouvre dans une forêt : alors qu’il porte son nouveau-né pour son baptême, éclairé non pas par la lumière divine, mais par les projecteurs d’un hélicoptère militaire, un homme brandit un doigt d’honneur au ciel. Ce père, c’est Michael Fassbender, qui incarne cette figure républicaine fondatrice, pour qui chaque mot de gaélique est une balle tirée pour la liberté.
Des pubs miteux aux salles de concerts bondées
Placé en garde à vue, l’un des deux rappeurs refuse de parler anglais. Un professeur venu pour traduire le gaélique découvre son carnet de vers et tombe sous le charme. Il les poussera à créer, dans son garage décrépi qui leur servira de studio. Un trio musical est né et le film suit leur ascension, des pubs miteux aux salles de concerts bondées.
L’odyssée street et punk sous kétamine, souvent hilarante, explore le malaise identitaire de l’Irlande du Nord, tiraillée entre héritage républicain, marginalisation linguistique et désir d’émancipation : “une nation sans langue n’est qu’une demi-nation ”. Entre rythmes féroces et souffles celtiques, le groupe sculpte un rap ardent, un cri sans filtre qui embrase, à la fois insurgé, et émeutier, entre révolte politique et prise de MDMA. Les mots y sont hachés comme des briques lancées sur les flics.
Le cinéaste, Rich Peppiatt, qui fait ses débuts au cinéma après avoir réalisé un clip pour le groupe, insuffle au film toute sa fougue, gribouille les paroles des morceaux à l’écran, comme des graffitis plaqués sur des portes de chiottes, cultivant l’irrévérence de ces gamins en surchauffe. L’ensemble vibre comme si on avait trempé la rage d’8 Mile dans le visuel nerveux de Trainspotting, certes parfois tape-à-l’œil, mais toujours animé par une énergie brute et régressive. La langue, le cinéma, le flow, tous rejoints par une même obsession : trouver la bonne vitesse.
Kneecap de Rich Peppiatt avec Móglaí Bap, Mo Chara (II), DJ Próvai – En salle le 18 juin
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