Le MCU continue de s’enfoncer dans les profondeurs du non-blockbuster vide et informe, avec un film qui disposait pourtant de quelques arguments pour s’en extirper.
Thunderbolts s’ouvre sur une scène qui n’est pas loin d’être très belle : Florence Pugh contemplant depuis le sommet d’un gratte-ciel malaisien un double vide, à la fois extérieur et intérieur, dont sa voix off nous décrit les ténèbres, et dans lequel son corps se jette soudain par un étrange mouvement d’ondulation évoquant la danse contemporaine. Pas loin, donc, mais pas vraiment. Car même si l’on se doute que le suicide est faux, c’est une grossière rodomontade marvellienne qui nous le révèle : le parachute s’ouvre, la voix off balaye crânement tout ce qui vient d’être dit (“ou peut-être juste que je m’ennuie”), le vertige se dissipe et le train-train des cascades badass reprend ses droits.
Un vague espoir d’inspiration, vulgairement dispersé : c’est assez représentatif de la teinte générale de cet énième Marvel intercalaire. En attendant le retour en forme véritable de la marque la plus statutaire du blockbuster contemporain – qui ne cesse d’être repoussé au film suivant, puis au suivant, puis aux calendes grecques, puis au comeback de Robert Downey Jr. –, le géant des comics tenait avec cette équipe de renégats mal-aimés une opportunité assez idéale de faire un peu autrement, de casser le cycle de la déception avec une petite aventure anonyme peuplée de personnages jetables – son Rogue One, disons.
Une nouvelle ère Marvel qui patine
Au lieu de ça, Thunderbolts cède évidemment aux réflexes quasi-pavloviens de la maison, qui ne peut s’empêcher de rebâtir à chaque film un vague panthéon sur fond vert. Il se transforme surtout à la fois en une parabole sur la dépression à laquelle on ne croit jamais vraiment (centrée sur la relation entre Florence Pugh et l’antagoniste principal, un surhomme fabriqué en labo à partir d’un malheureux toxico souffrant de bipolarité), à cause d’un tropisme de sarcasme bon teint qui condamne toute velléité d’écriture psychologique à la superficialité (voir scène d’intro), et en une autre parabole, elle méta, sur les difficultés du studio à enclencher sa nouvelle ère et à introniser les héros de sa renaissance.
Le récit se fixe dans un monde qui ne va ni mal ni bien, donc mal, car totalement démuni sans ses Avengers, et d’ailleurs sans leurs ennemis, privé du réconfort d’une allégorie du bien et du mal sonnante et trébuchante. Une haute fonctionnaire, avatar des décisionnaires hollywoodiens, s’occupe d’affecter à des opérations secondaires une bande de héros trop dysfonctionnels pour la tête d’affiche ; parallèlement, elle cuisine un nouveau Superman, tout-puissant et savamment brandé – le tout dans les décombres des films passés, dont l’immeuble-QG de Tony Stark à Manhattan, en plein travaux.
Des anti-héros trop lisses
La symbolique est martelée, mais elle n’aboutit pas à grand chose, sinon à ce que le spectateur s’amusera à en tirer comme réflexions sur la place qui reste encore dans nos imaginaires au super-héroïsme, et si oui lequel. De toute évidence, l’übermensch Sentry est un modèle de fausse perfection luxueuse aucunement bankable. Il est d’ailleurs frappant qu’il ne puisse pas vraiment s’adonner à la chorégraphie du combat, trop divin pour être attaqué, voire pour bouger.
Quant aux semi-marginaux censés incarner un vigilantisme cool et crapoteux, leur réalité dit le contraire de ce que prétend le film : ils sont plus lisses et apprivoisés les uns que les autres. Le spectre de l’affaire Jonathan Majors, acteur à la présence saisissante, annoncé comme le nouveau visage central du MCU avant de tomber pour des accusations de violence conjugale, hante sans doute le film qui ne cesse de parler de doubles maléfiques, de culpabilité, de déclassement à l’argus de la célébrité. Les super-héros ne nous parlent plus d’adolescence, de corps, ni même des problèmes du monde – ils parviennent néanmoins encore à nous parler de stars, et il faudra s’en contenter.
Thunderbolts de Jake Schreier, avec Florence Pugh, Sebastian Stan, David Harbour (É.-U., 2025, 2h06). En salle le 30 avril.
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