Les Inrocks Les Inrocks
  • Rechercher
  • Recevoir l’agenda de la semaine
  • À la Une
  • Saison des festivals
  • Musique
  • Cinéma
  • Séries
  • Livres
  • Art et Scènes
  • Jeux vidéo
  • Actu
  • Le Magazine
  • Les Suppléments
  • Les Inrocks Radio
  • Les newsletters
  • Le shop
  • Combat
    • Les Inrockuptibles
    • Radio Nova
    • Rock en Seine
    • Rough Trade
  • Archives
  • Le Club Inrocks
  • Tous les Avantages
  • Les radios Combat
    • Les Inrocks Radio
Logo

Les radios Combat

Les Inrocks Radio
Les Inrocks Radio

Les magazines

Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines
Les magazines

Combat

Combat
Combat
Combat
Combat

Rechercher

Dernier numéro

Dernier numéro

Ce podcast est réservé aux abonnés

Accédez à l’intégralité des Inrockuptibles

Abonnez-vous

Vous êtes déjà abonné ?

Connectez-vous
  • Cinéma

15 min

On est parti en week-end à Rennes avec Etienne Daho et Christophe Honoré

par Franck Vergeade et Jean-Marc Lalanne

Publié le 1 octobre 2019 à 14h24
Mis à jour le 26 octobre 2023 à 11h02

© Richard Dumas pour Les Inrockuptibles

  • Partager
  • Partager
  • Envoyer
  • Envoyer
  • COPIER Copié
  • Plus

[25 ans d’Inrocks hebdo] Etienne Daho et Christophe Honoré ont en commun une jeunesse rennaise. Réminiscences d’une période où ils fréquentaient plusles salles de concert et de cinéma que les amphis, lors d’une promenade en leur compagnie en septembre 2019.

C’est à une double recherche du temps perdu que nous avons convié Etienne Daho et Christophe Honoré en cette fin de mois de septembre, où déjà l’été se voile d’un crachin automnal, où un fin rideau de pluie rince les grandes artères de la ville classique bordées de bâtisses à colombages bruns.

Etienne et Christophe ont été jeunes hommes ici, à une quinzaine d’années de distance. La ville, ils l’ont habitée et arpentée jour et nuit lorsqu’ils étaient encore étudiants, à la fin des années 1970 pour l’un, au début des années 1990 pour l’autre.

HonoreetDahoappartement.jpg
Christophe Honoré et Etienne Daho, Rennes, 2019 © Richard Dumas pour Les Inrockuptibles

Des retrouvailles rennaises loin d’être anodines

Entre le chanteur né à Oran, et installé à Rennes à 8 ans, après l’indépendance, et le réalisateur natif de Carhaix devenu rennais pour s’inscrire à la fac de lettres, les retrouvailles rennaises sont loin d’être anodines.

Pour son tout premier film, 17 fois Cécile Cassard (2002), Christophe Honoré avait imaginé et proposé le rôle principal masculin à Etienne Daho, icône pop ultime de son adolescence.

Mais Daho, qui ne s’est aventuré au cinéma que furtivement, le temps d’une poignée de plans chez Assayas (Désordre, 1986) ou Virginie Thévenet, a décliné l’offre avant de le regretter rétrospectivement en découvrant le film, “plus doux” que la lecture du scénario ne le laissait supposer à l’aune de quelques scènes sexuellement très explicites. “Non, ce n’est pas la scène de chanter la chanson de Lola de Jacques Demy en slip qui m’avait refroidi. Ça encore, ce n’était rien !”, plaisante-t-il.

Depuis Le Grand Sommeil (1982), troisième 45t et prémices du succès dahoïste entendu à 11 ans  sur le tourne-disque de son grand frère, dans la maison familiale de Rostrenen, Honoré a grandi avec ces chansons d’amour qui rythment et séquencent sa vie.

A chacun de ses films, il tente même de monter une séquence sur Le Grand Sommeil, mais à chaque fois il renonce et choisit finalement un autre morceau. « Je ne peux pas. C’est trop intime. C’est à moi ! », nous dit-il tandis qu’Etienne Daho éclate de rire, tout en exprimant à quel point cette confidence le touche.

Promenade dans les anneaux du temps

Hier soir, le réalisateur présentait son nouveau long métrage, Chambre 212, à l’Arvor, un cinéma d’art et d’essai qu’il fréquentait bien plus assidûment que la fac de lettres.

« J’y allais vraiment assez peu. Je lisais chez moi, j’allais tout le temps au cinéma, et tous les soirs, avec ma bande d’amis, on se retrouvait dans des bars et on enchaînait les bières – beaucoup – jusqu’à tard. On était des fêtards, on sortait tous les soirs. En même temps, c’était un vrai investissement pour ma mère que je vive à Rennes, que j’aie un appart. Je culpabilisais énormément de ne rien foutre. Je savais que je ne voulais pas devenir prof de français, mais c’était un horizon possible si je n’arrivais pas à m’accomplir artistiquement. »

On demande à Etienne s’il était un étudiant sérieux. Il répond qu’il n’allait vraiment jamais à la fac – où il était inscrit en anglais, mais que le seul jour où il s’y est rendu, il a rencontré Richard Dumas, son ami photographe qui s’est joint à nous le temps de cette promenade dans les anneaux du temps.

“Quand j’avais 20 ans, je cherchais par-dessus tout la légèreté, je trimballais beaucoup de choses dures de l’enfance” – Etienne Daho

Et lui, culpabilisait-il ? « Pas du tout ! », ajoute-t-il en levant les yeux. « Quand j’avais 20 ans, je cherchais par-dessus tout la légèreté. Je trimballais beaucoup de choses dures de l’enfance que j’avais totalement enfouies et je ne pensais qu’à ma mesure. J’étais complètement désinvolte, je ne voulais m’alourdir de rien. »

Le passé remonte à la surface

En cette fin septembre, un événement tragique alourdit désormais considérablement l’atmosphère : le chanteur Philippe Pascal sera enterré l’après-midi même, et Etienne se rendra à ses funérailles sitôt cette chasse aux souvenirs terminée.

Cela rend pour Etienne « la journée irréelle » : le passé remonte à la surface autant que se tourne, avec ces funérailles, une page du rock rennais. Philippe Pascal était la moitié de Marquis De Sade, son chanteur vibrant et charismatique, qui a aimanté Etienne dans sa jeunesse.

Si les Stinky Toys régnaient sur la micro-scène du punk parisien, Marquis De Sade faisait souffler de Rennes un vent de cold-wave envapée dans le rock français.

Avec Philippe, rencontré à Rennes en 1977, Etienne partageait une passion commune pour le Velvet Underground et Nico (qu’ils aimaient reprendre à deux voix sur scène). Et comme dans cette journée où le passé revient en incessants jeux d’échos, l’hôtel où Daho et Honoré se sont donné rendez-vous est sis au 19 rue du Maréchal-Joffre.

“Nos seules dépenses, c’était les disques et les bouquins » – Etienne Daho

Soit l’emplacement même de Rennes Musique, disquaire indépendant historique qui a nourri – et endetté – plusieurs générations de mélomanes et qui a définitivement fermé ses portes en 2008. “Nos seules dépenses, c’était les disques et les bouquins », se souvient avec gourmandise Etienne Daho.

Durant ses rares incursions à la fac, il rencontre néanmoins Jean-Louis Brossard et Béatrice Macé, bientôt cofondateurs des Trans Musicales avec Hervé Bordier. « A Rennes Musique, j’explosais sans compter tous mes salaires de pion (sourire). Les albums avaient une vie itinérante dans notre cercle d’amis, on se les prêtait, on se les dupliquait sur des cassettes.

C’était une époque où l’on n’avait pas de téléphone ni d’ordinateur, encore moins de téléviseur. On passait notre temps à écouter de la musique, sortir dans les bars, faire la fête et draguer. La vie, quoi…” Les souvenirs affluent, les noms de bars jaillissent comme un crachin breton.

L’appartement de Daho, en plein centre-ville, un solide pilier

L’appartement d’Etienne, situé en plein centre-ville, formait alors un triangle des Bermudes avec le bar de L’Epée et le club gay du Batchi, deux établissements de la rue Vasselot dont il devient rapidement un solide pilier : “On buvait souvent à l’œil, parce qu’avec notre bande de potes, on faisait un peu partie du décor (rires).”

On regarde les façades d’immeubles de ces lieux dont certains n’existent plus. Devant une crêperie, qui elle n’a pas bougé, Etienne se souvient : « Ah, je crois que c’est là que j’avais emmené Nico, qui avait faim, le jour de son concert rennais de 1976. Je n’en revenais pas de me balader ici à ses côtés.« 

Et devant un marché couvert, il évoque ce petit matin de l’hiver 1979 où il est allé acheter des pommes parce qu’Elli Medeiros ne se nourrissait presque plus que de ça (« elle était passée de la Valstar aux pommes », dit-il en riant).

Le plus glamour des couples de jeunes gens modernes, Elli et Jacno, avait passé la nuit chez Etienne, car ce dernier avait organisé, sur ses deniers, leur venue à Rennes pour un concert des Stinky Toys, puis les avait hébergés.

C’est durant cette nuit, glaciale et enneigée, blotti contre un radiateur électrique, qu’Etienne a confié pour la première fois à Elli et Jacno, ses idoles, qu’il écrivait des chansons et avait même enregistré en secret une maquette.

“Parfois, les lieux sont plus importants que les gens, ils capturent des moments de vie” – Etienne Daho

Dans ce lieu fondateur, le 9, rue de Nemours, Etienne Daho entre à nouveau, si longtemps après, escorté par Christophe Honoré. En regardant la façade inchangée de l’immeuble, il lève aussitôt les yeux vers les fenêtres du quatrième étage. C’est là que se tient le deux-pièces spartiate. Nous montons. La nouvelle habitante nous accueille avec chaleur, amusée et émue par cette quête aux fantômes au cœur même de son présent.

Dahofenetreappartement.jpg
9 rue de Nemours , Rennes, ancien appartement d’étudiant d’ Etienne Daho © Richard Dumas pour Les Inrockuptibles

“La vue est exactement la même, le plancher toujours aussi incliné. Mon appartement était si idéalement placé qu’il est vite devenu un spot nocturne. Parfois, les lieux sont plus importants que les gens, ils capturent des moments de vie. Je l’ai quitté à regret, mais je n’avais plus les moyens de payer le loyer à cause de l’argent dépensé pour les maquettes de Mythomane (1981).

Y revenir aujourd’hui est tellement inespéré. Il s’est passé beaucoup de choses ici (rires). Enfin, de la musique (sourire). Les musiciens de Marquis De Sade y sont venus un nombre incalculable de fois. Il m’arrive encore de rêver à ce premier appartement.”

Récit fragmenté et vie par procuration

En écoutant attentivement le récit fragmenté d’Etienne Daho, Christophe Honoré revit par procuration ces années-là, avec quelques étoiles dans les yeux.

“Quand je suis arrivé à Rennes pour la rentrée universitaire de 1988, Etienne avait sorti quatre albums et il était déjà un chanteur populaire. Depuis Carhaix, je connaissais évidemment la légende autour de Rennes, qui était ce bastion de la musique dans l’Ouest. Je savais que quelque chose d’essentiel du rock français s’était joué, mais ça appartenait déjà à un passé un peu légendaire.

Quelque chose d’une culture du rock indépendant coulait néanmoins fortement dans les veines de la ville. J’avais 18 ans, et soudain je pouvais découvrir un nombre de groupes insensé, de My Bloody Valentine à House Of Love, de Ride à The La’s – pendant longtemps, j’ai d’ailleurs conservé un pauvre gobelet en plastique dans lequel le chanteur, Lee Mavers, avait bu.

“Le bruit courait parfois que Daho était en ville ! On quittait alors soudainement la soirée où on se trouvait pour se rendre au lieu dit” – Christophe Honoré

Je me souviens aussi d’un concert des Sugarcubes aux Trans Musicales, un dimanche soir où il neigeait. Le bruit courait parfois que Daho était en ville ! On quittait alors soudainement la soirée où on se trouvait pour se rendre au lieu dit, mais on ne le voyait désespérément jamais !

Le début des années 1990 était marqué par l’énorme succès de son album Paris ailleurs (1991). J’écoutais la chanson Un homme à la mer en boucle, je pouvais en réciter les paroles par cœur.”

Il se remémore aussi les avant-soirées à suivre religieusement l’émission radiophonique Jungle Rock de Christophe Brault, l’un des vendeurs emblématiques de Rennes Musique devenu conférencier en musiques actuelles, notamment pendant les Trans Musicales.

“A Rennes, on s’est toujours sentis plus proches de l’Angleterre que de Paris” – Etienne Daho

“Je me rappelle encore qu’on ne sortait jamais boire l’apéro avant la diffusion de son émission”, dit Honoré. “A Rennes, on s’est toujours sentis plus proches de l’Angleterre que de Paris”, reconnaît Daho. “Il y avait ce mythe de la pop et du rock d’outre-Manche. Alors, on prenait régulièrement le ferry à Saint-Malo pour partir à l’aventure jusqu’à Portsmouth puis rallier Londres, Liverpool ou Manchester. Ce sont des villes qui nous faisaient rêver.”

Vers le nord, après le parlement de Bretagne, l’appartement d’Honoré

On quitte la rue de Nemours, on remonte vers le nord, on dépasse le parlement de Bretagne, et nous voilà arrivés dans l’appartement d’étudiant de Christophe. Leurs propriétaires actuels nous accueillent.

Honoreescalier.jpg
Le très exigu escalier qui mène à l’appartement de Christophe Honoré étudiant © Richard Dumas pour Les Inrockuptibles

Ils connaissent déjà Christophe, car il y a deux ans, pour le tournage de Plaire, aimer et courir vite, un film magnifique sur une histoire d’amour entre un étudiant breton et un écrivain parisien, qui est illustré par une bande-son au diapason (Cocteau Twins, Prefab Sprout, Massive Attack, Cardinal, Ride, The Sundays), le réalisateur a déjà marché dans les pas de sa jeunesse rennaise.

“Après avoir écrit le scénario, j’ai passé une semaine ici en repérages pour trouver des lieux où tourner, mais cela a été malheureusement l’une des semaines les plus déprimantes de ma vie. J’avais l’impression d’avoir 105 ans et de ne plus retrouver aucun de mes endroits fétiches.

C’était une sensation très étrange. Je craignais de ne pas bien capter la ville par la caméra. Lorsque j’ai eu l’opportunité de montrer à mon chef opérateur et à mon chef décorateur mon ancien appartement d’étudiant rue Saint-Melaine, qui est devenu celui de Vincent Lacoste dans le film, ça m’a complètement libéré. 

C’était donc très particulier d’y revenir de cette manière-là et encore plus dingue de mettre de la fiction dans l’appartement où j’avais vécu (sourire).”

En apprenant cette anecdote, Etienne Daho évoque l’intensité rajoutée au film et ressentie comme spectateur. Au final, le mois de tournage rennais de Plaire, aimer et courir vite compte parmi les meilleurs souvenirs du cinéaste stakhanoviste, également écrivain et metteur en scène.

“En tournant beaucoup de scènes la nuit, je retrouvais Rennes exactement comme je l’avais connue” – Christophe Honoré

“En tournant beaucoup de scènes la nuit, je retrouvais Rennes exactement comme je l’avais connue. A 2 heures du matin, quand toute l’activité de la ville disparaît, il y a une atmosphère qui me rappelait mes déambulations nocturnes.

Etudiant, j’ai passé mes nuits à marcher dans les rues après les concerts, les soirées arrosées ou les dragues extérieures. Je n’ai pas le souvenir d’avoir pris une seule fois un bus ou même un vélo. Comme tout est juste à côté, on se déplaçait partout à pied. Même s’il y a désormais le métro, la ville n’a pas tant changé que ça finalement.

On finit toujours par retomber face à une devanture qui existait déjà il y a une trentaine d’années. L’Ubu n’a pas bougé, l’Arvor non plus, même si le cinéma va bientôt déménager.”

Souvenir de leurs méfaits communs

La mémoire neuve ravivée par une balade matinale dans les rues de Rennes, Christophe Honoré et Etienne Daho marchent et plaisantent allègrement en souvenir de leurs méfaits communs : le chapardage d’une moto pour l’un, ce qui lui valut un tabassage en règle par son propriétaire (« Comme j’étais soûl, je me suis couché sans trop m’en rendre compte. Je me suis réveillé le lendemain matin, tout tuméfié dans des draps couverts de sang ») et le vol d’une voiture pour l’autre, qui s’est achevé par une nuit au poste (des photos prises le 23 décembre 1976 par le SRPJ en témoignent dans le livre Avant la vague Daho 78-81).

En remontant la rue Hoche près du parlement de Bretagne, le réalisateur montre l’endroit précis où avait été installée la cabine téléphonique de Plaire, aimer et courir vite, qui a son importance dans le film.

Avant d’atteindre la rue Saint-Melaine pour nous faire visiter son appartement d’étudiant, Christophe Honoré évoque L’Ozone, son QG de la rue de Saint-Malo pour étancher sa soif. A tel point qu’il s’y était retrouvé en photo, accoudé au bar, dans un numéro spécial du magazine Géo consacré à la ville de Rennes.

“Aujourd’hui j’ai le sentiment que ces années rennaises sont un paradis perdu, que j’y étais intensément heureux” – Christophe Honoré

“Mon colocataire de l’époque me rappelait récemment que j’avais une peur bleue que ma mère ne tombe sur ce numéro… (rires) C’est étrange parce qu’aujourd’hui j’ai le sentiment que ces années rennaises sont un paradis perdu, que j’y étais intensément heureux.

Or, je suis retombé récemment sur des pages de mon journal intime de l’époque et je ne cessais de me plaindre de mon triste sort. A Rennes, j’étais comme dans une salle d’attente, avant de partir à Paris pour suivre enfin des études de cinéma.

Je passais mon temps à lire, à voir des films, à photographier et à filmer en super-8, ce qui n’est pas la pire des manières de vivre ses 20 ans. C’est une ville où les étudiants sont rois. Et pourtant j’étais inquiet, j’avais peur que ça n’aille pas assez vite, de ne pas y arriver.”

S’échapper de Rennes pour assouvir leur vocation

Sur le brassage des énergies et les rencontres improbables qui nourrissent des parcours débutants, Etienne Daho acquiesce. La faculté et surtout les bars, en l’occurrence, agissent comme un catalyseur.

img9292.jpg
Etienne Daho, photographié en 1980, rue de Nemours à Rennes © Pierre René-Worms

“C’était important de vivre en meute. Dans cette bande, il y avait notamment Hervé Bordier, vendeur chez Disc 2000 et producteur du premier 45t de Marquis De Sade, et Richard (Dumas), photographe et guitariste avec lequel j’ai enregistré mes premières maquettes de Mythomane.”

Déjà adepte du hors-piste dans une ville adoubant le rock anglo-saxon, Etienne Daho détonne en traçant dès ses débuts un sillon pop dans sa langue maternelle. Il lui faut de longues années avant de se faire accepter par Rennes, dont il reste toujours le chanteur adoptif à succès et dont il ponctue triomphalement chacune de ses tournées hexagonales.

Parmi leurs points communs d’artistes, Etienne Daho comme Christophe Honoré ont finalement choisi, à une décennie d’écart, de s’échapper de Rennes pour assouvir leur vocation respective dans la Capitale.

Rennes89.jpg
Christophe Honoré à Rennes en 1989

Avec le succès, fût-il progressif mais solide, que l’on sait et en n’oubliant jamais ces années d’apprentissage. “A presque 50 ans, je me rends compte que je n’ai finalement jamais trop quitté ma chambre d’étudiant, reconnaît en toute franchise Christophe Honoré.

Ce que j’ai découvert et aimé en cinéma, en musique ou en littérature dans ma jeunesse n’est guère éloigné de ce qui continue de m’intéresser et de me passionner aujourd’hui.”

Entre 1981 et 1983, Etienne Daho a multiplié les allers-retours avec ses acolytes Frank Darcel et Arnold Turboust, avant de s’établir définitivement à Paris, deux ans après la sortie de son premier album Mythomane.

“J’avais l’adoubement de personnes que j’admirais, c’était mon moteur” – Etienne Daho

De la même manière, il sait ce qu’il doit à ces dix-huit années passées dans la capitale bretonne. “Vu le bagage douloureux de mon enfance en Algérie, je faisais tout pour l’alléger et donner le change à l’extérieur. Je virevoltais sans jamais évoquer mon passé. La métamorphose, c’est l’art de la transformation. Ou comment toucher les autres en abordant parfois les sujets les plus sombres. A cette époque, je me sentais bizarrement invulnérable parce que j’étais porté par une famille d’esprit, qui allait de Marquis De Sade aux Stinky Toys. J’avais l’adoubement de personnes que j’admirais, c’était mon moteur.”

A l’inverse, Christophe Honoré n’était pas entouré de futurs cinéastes dans son entourage rennais. Il a d’abord commencé par écrire des livres pour enfants avant d’embrasser une carrière de réalisateur, passé la trentaine.

“L’un des grands fantasmes du cinéma, c’est de faire revivre des scènes déjà vécues” – Christophe Honoré

“Dans ma mémoire, la chambre reconstituée de Plaire, aimer et courir vite s’est substituée à ma vraie chambre d’étudiant. Aujourd’hui, j’ai davantage l’impression de revenir sur un lieu de tournage que dans mon ancien appartement. C’est un sentiment assez troublant. D’autant que l’un des grands fantasmes du cinéma, c’est de faire revivre des scènes déjà vécues, parfois avantageusement grâce aux acteurs choisis.”

Visualiser la chambre de Vincent Lacoste dans cette pièce qui paraît pourtant plus exiguë qu’à l’écran donne forcément envie de revoir le film.

Un rapport personnel au temps

Au sortir de la rue Saint-Melaine, une voix masculine interpelle Etienne. « Oh, Frank ! », s’étonne-t-il avant de lui faire la bise. C’est Frank Darcel, cofondateur inconsolable de Marquis De Sade, en attente lui aussi de se rendre dans une heure ou deux aux funérailles de Philippe Pascal.

DahoetFrankDarcel.jpg
Frank Darcel et Etienne Daho, à Rennes en septembre 2019 © Richard Dumas pour Les Inrockuptibles

Les deux hommes bavardent devant le bar La Part des anges, comme la chanson de Jacno. Avec Jacno, Darcel bossa sur l’album Mythomane (à la guitare), avant de devenir le réalisateur du premier tube d’Etienne, Le Grand Sommeil en 1983.

Pendant ce temps, Christophe évoque sa seule rencontre avec Philippe Pascal. Lors du tournage de Plaire, aimer et courir vite, une affiche de concert de Marc Seberg avait été collée, annonçant le soir même à l’Ubu un concert du second groupe de Philippe Pascal (l’action du film se passe en 1993).

Tandis qu’il veillait à la préparation du plan, Christophe Honoré eut l’heureuse surprise qu’un homme lui tape sur l’épaule, amusé : “Ah, j’ignorais que je chantais ce soir à l’Ubu…” C’était Philippe Pascal, revenu vivre à Rennes, habitant dans le voisinage et découvrant par une drôle de coïncidence sa présence allusive dans le film.

“Philippe Pascal était une silhouette qu’on croisait souvent en ville” – Christophe Honoré

Un souvenir d’autant plus émouvant pour le réalisateur, qui a grandi, génération 1970 oblige, avec Marc Seberg plutôt qu’avec Marquis De Sade. “Je me revois encore en train d’acheter l’album Le Bout des nerfs (1990) chez un disquaire d’ici. Philippe Pascal était une silhouette qu’on croisait souvent en ville.”

Au terme de cette déambulation rennaise place Sainte-Anne, Christophe Honoré s’enthousiasme auprès d’Etienne Daho : “Toi qui étais absolument inatteignable lorsque j’avais 20 ans, c’est quand même incroyable d’avoir réalisé ce parcours quasi initiatique à tes côtés.”

ChristopheHonoreetEtienneDaho.jpg
Devant la salle de la Cité en réfection, en septembre 2019 © Richard Dumas pour Les Inrockuptibles

On passe devant la salle de la Cité, la salle mythique de Rennes actuellement en pleine réfection et qui rouvrira ses portes en 2020. Etienne Daho se souvient encore de son dernier passage, en avril 1998, pour la tournée Eden (1996), son album fétiche bientôt réédité.

Devant une crêpe complète et une bolée de cidre, les deux hommes, un peu étourdis par cette déambulation mnésique et ces déflagrations de réminiscences, s’épanchent sur leur rapport personnel au temps.

Christophe parle de la difficulté qu’il éprouve parfois à dévoiler dans ses œuvres tel ou tel souvenir vécu, comme s’il n’était pas simple de s’en déprendre. Etienne réagit : “Avec les années, on arrive à se dessaisir de l’intime.” Christophe s’enthousiasme : « C’est fort cette formule ! Vous devriez terminer là-dessus », nous enjoint alors notre très investi rédacteur en chef.

Retrouvez le reportage dans le n° 1244 d’octobre 2019

i

Plongez plus profondément dans l’univers d’Étienne Daho et Christophe Honoré avec une sélection d’articles captivants. Découvrez les réflexions d’Étienne Daho sur sa carrière en 1997 dans « Le système dans lequel j’avais fini par entrer m’a desséché ». Pour les amateurs de théâtre, ne manquez pas « Pourquoi il faut courir au théâtre voir ‘les éternelles idoles’ de Christophe Honoré », une pièce qui a marqué les esprits. Revivez la rencontre musicale entre Daho et Katerine à travers « Les saints, les morts, les générations… Quand Daho rencontrait Katerine ». Pour une perspective plus personnelle, lisez « Christophe Honoré en 2009, l’interview fleuve », où l’artiste se livre en profondeur. Les passionnés de musique de film apprécieront « Notre sélection des meilleures BO de Christophe Honoré », une exploration des bandes originales qui ont accompagné ses œuvres. Enfin, découvrez les réflexions de l’artiste en tant que rédacteur en chef invité dans « L’édito de Christophe Honoré, rédacteur en chef invité ».

À lire également
  • Etienne Daho en 1997: “Le système dans lequel j’avais fini par entrer m’a desséché” 
  • Pourquoi il faut courir au théâtre voir « les éternelles idoles » de Christophe Honoré
  • Les saints, les morts, les générations… Quand Daho rencontrait Katerine
  • Christophe Honoré en 2009, l’interview fleuve
  • Notre sélection des meilleures BO de Christophe Honoré
  • L’édito de Christophe Honoré, rédacteur en chef invité
  • Etienne Daho

La rédaction vous recommande

Musique Abonné

King Gizzard & the Lizard Wizard explore les sixties et seventies avec gourmandise

cafeyn King Gizzard & The Lizard Wizard
A lire sur img large news
Livres

Attaques au couteau : L'ombre de Macbeth plane sur l'actu

édito
A lire sur img large news
Musique

Brian Wilson, cofondateur des Beach Boys, est mort

A lire sur img large news
Musique Abonné

Qui est Max Baby, le musicien et producteur que tout le monde s'arrache ?

A lire sur img large news
Musique

Françoise Hardy, l'anthologie des années Vogue 1962-1967

Françoise Hardy
A lire sur img large news
Musique

Bob Dylan est-il la voix de la bande-annonce du prochain album de Machine Gun Kelly ?

A lire sur img large news
Franck Vergeade et Jean-Marc Lalanne
Franck Vergeade et Jean-Marc Lalanne
Musique

Clara Luciani : “Le rock va finir par revenir à la mode”

Les plus lus

Abonné Musique
1.

King Gizzard & the Lizard Wizard explore les sixties et seventies avec gourmandise

Livres
2.

Attaques au couteau : L'ombre de Macbeth plane sur l'actu

Musique
3.

Brian Wilson, cofondateur des Beach Boys, est mort

Abonné Musique
4.

Qui est Max Baby, le musicien et producteur que tout le monde s'arrache ?

Musique
5.

Françoise Hardy, l'anthologie des années Vogue 1962-1967

logo lesInrocks logo lesInrocks

Recevoir notre newsletter

Dernier numéro

Dernier numéro
Accueil
Recherche

Nos derniers magazines

Nos derniers magazines
Nos derniers magazines
Nos derniers magazines
Nos derniers magazines
Nos derniers magazines
Nos derniers magazines
Nos derniers magazines
Voir tous les magazines sur le shop
logo lesInrocks

À la une

  • Les radios Combat
    • Les Inrocks Radio
  • Les magazines
  • Combat

Populaires

Critiques
Vidéos
critique
attitude
cafeyn
société-cheek
culture-cheek
instagram-cheek
jeux-video
#wtf-cheek

À propos

  • Accueil
  • Contact
  • Politique de confidentialité et données personnelles
  • Conditions générales de ventes
  • Le magazine
  • La boutique
  • Les Inrocks radio
  • Archives
  • Mentions légales et CGU
Mag 41 - market
Offre FDLM25
OSZAR »