Ce jeu vidéo enchanteur met en scène l’épopée d’un Petit Chaperon rouge en cosplay sorcière et de son doudou, tous deux plongés dans une série d’aventures plastiquement superbes.
Le titre est une fausse piste. Présenté comme un prequel de Bayonetta, Cereza and the Lost Demon n’entretient en réalité qu’une relation assez distendue avec la flamboyante trilogie sorcière de PlatinumGames. C’est même une autre création passée des fondateurs du studio basé à Osaka que le jeu évoque : le sublime jeu d’aventure aux allures d’estampe japonaise Okami, paru en 2006. Rappelant au passage qu’Hideki Kamiya et ses complices n’ont pas œuvré que dans le registre bagarreur de Devil May Cry ou de God Hand lorsqu’ils officiaient chez Capcom.
Au même titre qu’Okami, Cereza and the Lost Demon s’apparente à un conte qui nous serait donné à jouer. Un conte de fées même, cette fois, mais comme inversé, car les fées y apparaissent mal intentionnées alors que les sorcières, à commencer par notre Cereza en cours de formation, tiennent le beau rôle et luttent pour restaurer l’harmonie dans un univers passablement tourmenté.
Alternativement cruel et doux
Fondamentalement, Cereza and the Lost Demon est l’histoire d’une petite fille qui découvre le monde en serrant contre elle son doudou chat pour se donner des forces. L’épopée d’un Petit Chaperon rouge en cosplay sorcière qui, égaré dans la forêt, mûrit, oubliant peu à peu de trembler de peur et de perdre ses moyens face à ce qui paraît trop dangereux ou trop beau. Car, alternativement cruel et doux, Cereza… est aussi un jeu plastiquement superbe, comme un livre d’images qui s’animerait, un pop-up subtilement habité.
Mais revenons à notre doudou. Possédée par un démon plutôt coopératif du nom de Chouchou (Cheshire, dans la version anglaise), la peluche est devenue énorme, jusqu’à constituer un deuxième personnage qu’on sépare à volonté de Cereza. Si les diriger toutes les deux en même temps – à chacune son stick directionnel et ses boutons sur la manette – demande un petit temps d’adaptation, car coopérer avec soi-même ne coule pas nécessairement de source, ce dédoublement est au cœur de l’expérience Cereza… autant que de son propos. Grandir, après tout, ne serait-ce pas apprendre à composer avec un autre soi-même qui en vient à occuper toute la place, alors qu’on ignorait encore tout récemment qu’il était là ?
Des pages qui s’impriment et se tournent, de facétieux esprits de la forêt
Il y a du Zelda dans Cereza…, jeu d’exploration et d’énigmes rythmé par les combats dont les décors regorgent de secrets, mais aussi un peu de Fumito Ueda (Ico, The Last Guardian) en plus bavard et rieur. Il y a aussi, curieusement, la confirmation de ce qui ressemble à une mini-vague du jeu de concoction d’élixirs après Potion Craft ou Potion Permit. Ajoutons à la liste une dose de danse (pour déclencher notre magie), des pages qui s’impriment et se tournent, de facétieux esprits de la forêt en attente d’une libération, des trains fous, des affrontements changés en numéros de cirque déviants, des glissades sur de fabuleux toboggans…
Une multitude d’idées et de visions mi-merveilleuses, mi-cauchemardesques, qui ne frapperaient pas tant si le jeu n’avait pas ce ton, ce tempo singulier et même, osons les gros mots, cette sensibilité. Divine (ou démoniaque ?) surprise ludique de ce début de printemps, Cereza and the Lost Demon est un enchantement.
Bayonetta Origins: Cereza and the Lost Demon (PlatinumGames/Nintendo), de 45 à 60 €. Sur Switch.
