Avec cette biographie dessinée teintée de fantastique, la dessinatrice belge rend un hommage enflammé à la photographe américaine.
“J’ai toujours eu l’impression que sans mon appareil photo, j’allais disparaître, et ce sentiment ne cesse de s’accentuer avec le temps.” Cette phrase en voix off surmonte un paysage bleuté, entouré par une sorte de brume violette. Parfois en d’autres teintes, elle accompagne discrètement sa protagoniste, Diane Arbus – et jamais Aurélie Wilmet ne la dissipe, tant elle semble symboliser l’incursion du romanesque dans la biographie.
L’autrice préfère préserver le mystère dans l’œuvre de la photographe américaine ; son envie de “capturer le mal” avouée à sa professeure Lisette Model et les séquences d’ouverture et de conclusion témoignent de son attirance pour le fantastique. Ce que confirme l’épigraphe sortie du Twin Peaks de Lynch, qui se termine par la formule magique “Fire walk with me”.
Ce n’est donc pas un hasard si les flammes servent aussi de motif à ce biopic poétique et peu académique. Arbus brûle à la fois de désir et de désespoir – elle a mis fin à ses jours à 48 ans. Avec son trait doux et rêveur, ses cases aux bords arrondis, Aurélie Wilmet ne cherche ni le réalisme, ni le Grand-Guignol. Alors qu’Arbus, fascinée par Freaks de Tod Browning, aimait avoir devant son objectif des personnes au physique étonnant – tel Eddie Carmel, 2,74 m, surnommé le “géant juif” –, la dessinatrice montre leur humanité plutôt que leur différence.
Diane Arbus – Photographier les invisibles d’Aurélie Wilmet (Casterman), 216 p., 29,95 €. En librairie.