Avec “Les Adorables Étoiles”, Redcar (ex-Christine and The Queens) s’offre un opéra fantasque

Plus polymorphe que jamais, l’artiste (qui se genre au masculin) revient en tant que Redcar, son nouvel alias, en déroute sur les rivages d’une coldwave diluée à la synthpop. Constellées d’influences eighties, invoquant par moments les spectres de Christophe (époque Paradis retrouvé) et Daniel Balavoine (Sauver l’amour), ces Adorables Étoiles jouent la carte de la fluidité comme pour symboliser les métamorphoses identitaires de leur auteur.

C’est donc en résonance – impossible de ne pas faire mention des vocalises hyper incarnées qui tapissent d’échos le disque entier – que Redcar se tisse une esthétique du vague, au point de presque suggérer l’esprit des Guérillères de Monique Wittig. De ce brouillard émerge toutefois un motif, fil rouge de l’album : celui d’une liberté totale, que le musicien paraît revendiquer aussi bien dans sa vie privée qu’en musique. Une fois surmonté le dépaysement des premières toplines en quasi-autonomie des mélodies, on se laisse porter de titre en titre avec le sentiment d’une confuse homogénéité.

Sur le plan narratif, l’artiste renoue avec la poétique de Chris (2018) à travers des textes plus chantés qu’à l’accoutumée et au lyrisme singulier. En point d’orgue, alors que Rien dire vient invoquer les meilleurs moments de Chaleur humaine (2014), c’est My Birdman, escapade lorgnant carrément un trip hop dompté avec brio, qui fait office de respiration bienvenue. Avant un final délicieusement synthwave, Les Âmes amantes, plus incarné que le reste du disque, clôturant l’épopée Redcar avec un sens certain du coup d’éclat.

“Fuck instruments”, le nouveau mantra de Redcar sur scène

Si Christine n’a jamais paru aussi complice de ses Queens que sur la pochette de son nouveau projet, Redcar s’immisce dans sa discographie comme une nouvelle “construction poétique et philosophique” qui, comme l’intéressé s’en explique, “[l’]aide à devenir”. Mystique, Redcar ne lève pas davantage sur scène le voile concernant l’essence de son projet.

Lors de la première de son spectacle musical (plus qu’un concert à proprement parler) au Cirque d’Hiver à Paris, l’artiste a livré – comme d’habitude – un show vocalement irréprochable, dont on regrette l’appui de musicien·nes toutefois assumé par un “fuck instruments” lancé avec panache par l’intéressé, qui a su faire comprendre que Redcar existe par et pour lui même…

L’occasion, toutefois, de donner tort à ses détracteur·ices, à grands coups d’autodérision et de cassage du quatrième mur. Une performance qui lui a aussi permis d’incarner chaque pièce (ou morceau) de son album autant que d’en compléter, jamais sans opacité, la symbolique. Le tout en osant le topless comme le gode ceinture.

Redcar, Les Adorables Étoiles (Prologue) (Because). Sortie le 11 novembre. Concert le 10 novembre à Paris (Cirque d’Hiver).