Comment Gorillaz a “créé la pop moderne” en dix collaborations iconiques

Latin Simone (¿Qué pasa contigo ?) Ibrahim Ferrer

A la suite de leurs ruptures respectives, Damon Albarn et Jamie Hewlett deviennent colocs et créent Gorillaz en 2000, abasourdis par la médiocrité des clips qu’ils mataient sur “la plus grosse télévision que tu pouvais t’acheter en Angleterre à l’époque” (Albarn dixit aux Inrocks).

Au quatuor fictif (Murdoc/2D/Russell Hobbs/Noodles) viennent s’agréger quelques collaborateurs comme Dan The Automator ou Del The Funky Homosapien, mais aussi leur première star internationale, Ibrahim Ferrer, vénérable membre du Buena Vista Social Club de La Havane, qui vient apporter une touche cubaine à la cartoon pop neurasthénique de ce premier album.

Feel Good Inc. De La Soul

Avec leur deuxième album, Demon Days (2005), Gorillaz érige en principe la présence d’invité·es (seuls cinq morceaux sur quinze n’en comportent aucun). Sur leur premier single (et premier succès planétaire), la voix désabusée de Damon Albarn est entrecoupée de flows galvanisants des vétérans de la scène hip-hop new-yorkaise De la Soul, qui verront leur carrière complètement relancée grâce à ce Feel Good Inc.

DARE Shaun Ryder

De l’impressionnant casting de Demon Days (Neneh Cherry, Dennis Hopper, Ike Turner, entre autres) émerge un rescapé de Madchester et des Happy Mondays qui donne la réplique à une Noodles survoltée sur un des titres les plus dancefloor de Gorillaz. Avec DARE, le groupe obtient son deuxième tube international consécutif et s’impose définitivement sur la scène musicale avec un sens de la communication éprouvé et des mélodies imparables.

> > Pour plus de précisions sur “la plus grosse télévision d’Angleterre”, lire notre interview fleuve (et masquée) de Gorillaz

Welcome to the World of Plastic Beach Snoop Dog

Cinq ans séparent Demon Days de Plastic Beach (même si le projet de ce troisième album est initié dès 2007 par Jamie Hewlett et Damon Albarn). C’est en capitaine d’un bateau qu’on imagine pirate que Snoop Dogg, coiffé d’un haut de forme et armé d’une longue vue, nous accueille sur cette plage inhospitalière avec ce débit à la coule qui le caractérise, bien qu’ici teinté d’inquiétude environnementale somme toute légitime pour ce consommateur de produits bio.

Stylo Bobby Womack & Mos Def

Stylo marque l’apparition de Bobby Womack dans la galaxie Gorillaz. Il apporte sa voix soul à un titre synthétique sur lequel se distingue également Mos Def. On retrouvera l’un et l’autre plus tard sur Plastic Beach, respectivement sur Cloud of Unknowing et Sweepstakes. Gorillaz se paie même le luxe d’un troisième invité prestigieux dans le clip de Stylo : Bruce Willis en John McClane roulant sur les traces de Mad Max.

Glitter Freeze Mark E. Smith

Gorillaz a un don unique pour surprendre dans le choix de ses guests en conviant le réputé ingérable Mark E. Smith (“Non, pas du tout, Mark E. Smith est très facile !”, dément Damon dans nos colonnes). Le leader, chanteur, auteur, compositeur de The Fall vient jeter le chaud et le froid dans un court prêche habité qui traverse Glitter Freeze où la pop se voit habillée de stridences qui agacent délicatement les tympans comme un dérapage de craie sur un tableau noir. Hasard ou coïncidence ? L’album suivant de Gorillaz s’intitulera The Fall.

We Got the Power Jehnny Beth & Noël Gallagher

Passée la parenthèse The Fall (2010), carnet de tournée (américaine) autarcique enregistré seul par Damon Albarn (à l’exception d’une apparition du fidèle Bobby Womack), Humanz renoue en 2017 avec la tradition du multifeaturing imparable. On en retiendra l’apparition exaltée de la Savages Jehnny Beth sur We Got the Power où la contribution de Noel Gallagher dans les chœurs semble enterrer la hache de guerre entre Blur et Oasis jusqu’à ce que, patatras, Damon Albarn nous déclare en 2020 : “Liam ? C’est un idiot. Il parle de moi presque toutes les semaines de toute façon (…) Ce mec est pour moi un tremplin sur les réseaux sociaux”.

Humility George Benson

The Now Now sort un an après Humanz. Est-ce pour cette raison qu’il est si avare en featurings ? Ce sixième album en compte néanmoins un de choix, George Benson, auteur de Give Me the Night et, par extension, du Mia qu’on danse en Provence, qu’incarne avec sa coolitude habituelle, Jack Black dans le clip qui sera tiré de Humility.

Désolé Fatoumata Diawara

Pour son grand retour en 2020, Gorillaz n’y va pas de main morte avec le dos de la cuillère : pour Song Machine, Season One: Strange Timez, ce sera onze titres, onze stars. Pour Désolé, voici Fatoumata Diawara, déchirante chanteuse au destin tragique dans le Timbuktu d’Abderrahmane Sissako qui, ô coïncidence, met en scène le nouveau spectacle musical de Damon Albarn, Le Vol du Boli, attendu en octobre au Théâtre du Châtelet et auquel, ô joie, Fatoumata Diawara collabore également.

Strange Timez Robert Smith

Sidération. Voici le seul mot qui nous est venu quand on a entendu la voix de Robert Smith foudroyer ce Strange Timez qui fond la période la plus pop de The Cure avec le côté le plus sombre de Gorillaz. Un obscur objet du désir qui s’achève sur un message fort et lunaire : “Be the change.” Et à peine avons-nous fait le tour incomplet de Song Machine, Season One : Strange Timez que, insatiables, nous attendons déjà la saison 2.

> > Vous en doutez encore ? Lisez Oui, l’album événement de Gorillaz est dingue