Pour la 4ème édition du Prix Joséphine, le jury d’artistes, présidé par Laurent Garnier, a sélectionné les 10 albums pour la récompense finale, qui sera décernée le 30 septembre à l’Olympia… Oklou et Theodora font déjà figures de favorites.
Sur les quelque 300 disques (albums et EP dépassant les 5 titres) inscrits à la 4e édition du Prix Joséphine des artistes, le panel de journalistes en avait sélectionné 40 le 27 mai dernier, voici aujourd’hui la liste des 10 disques retenus par le jury d’artistes, présidé cette année par Laurent Garnier.
Si la triple absence de Kids Return, Adrien Soleiman et surtout Malik Djoudi, auteur du meilleur album français de 2024, interpelle forcément à la lecture du palmarès, Oklou et Theodora font désormais figures de grandes favorites pour succéder à November Ultra, Tuerie et Bonnie Banane. Rendez-vous donc mardi 30 septembre à l’Olympia pour le concert des 10 artistes finalistes et la révélation du gagnant ou de la gagnante. En attendant, retour critique sur les 10 albums sélectionnés.
Oklou Choke Enough (Because)
Star française de l’hyperpop, la chanteuse et productrice Oklou a fini de convaincre les dernier·ères récalcitrant·es avec la sortie de Choke Enough, son deuxième album paru cet hiver et promotionné par son label comme le premier, après le déjà brillant Galore (2020) sorti entre deux confinements. Toujours “en quête de la loop parfaite”, Marylou Maniel, alias Oklou, a poursuivi sa collaboration artistique avec son complice canadien Casey MQ et multiplié les rencontres avec Bladee, Underscores, Cecile Believe, les incontournables Danny L Harle et A. G. Cook pour fomenter l’un des meilleurs disques de l’année. Un disque (hyper) pop moderne à la fois fascinant et envoûtant du début à la fin. L’addiction de l’année qui pourrait bien valoir à son autrice-compositrice-interprète de remporter le Prix Joséphine, en attendant d’autres victoires pour sa musique. FV
Miki Graou (Structure/Believe)
Révélation 2024, Miki est d’ores et déjà l’une des grandes confirmations de 2025 depuis la sortie de son EP Graou par lequel beaucoup l’ont enfin découverte, notamment à travers ses singles tubesques Échec et mat, JTM encore et Cartoon Sex. À 26 ans, Mikaela Duplay, dit Miki, est l’artiste que tout le monde s’arrache – des plateaux télévisés aux festivals de l’Hexagone. Avec son charisme inné et son sourire ravageur, Miki a trouvé sa recette musicale, en concassant l’hyperpop et en chantant des textes à la fois autobiographiques et accrocheurs. Avant la sortie de son premier album à la rentrée et son tout premier concert à l’Olympia le 10 octobre, Miki pourrait aussi être la surprise finale du Prix Joséphine 2025. FV
Blasé Blablabla (Record Makers/Bigwax)
Trop malin, Romain Hainaut. En choisissant le nom de scène Blasé, le producteur franco-américain a fait diversion en proposant une musique aux antipodes de ce que sous-tend son sobriquet. Dans tous les bons coups et sur tous les fronts musicaux ces dernières années, mais souvent dans l’ombre, on n’espérait plus le jour où le musicien aux multiples talents allait enfin dévoiler son premier album solo. C’est chose faite avec Blablabla, paru cette année chez Record Makers, un disque dont le sous-titre aurait pu être Fifty Shades of Groove, tant Blasé parvient à explorer les genres (de la soul à la cumbia en passant par le hip-hop à la cold wave) sans jamais sacrifier sa patte et ses obsessions d’aficionado amoureux de la musique. On ne voulant pas choisir, Hainaut aurait pu se perdre, il a au contraire réussi le prodige de la symbiose parfaite. FM
Arthur Fu Bandini Ça n’a jamais été mieux avant EP (Vol.1) (Pesto Rosso/Distrokid)
Les quelques-un·es qui s’étonneraient de retrouver Arthur Fu Bandini en phase finale du Prix Joséphine 2025 n’ont tout simplement pas bien écouté sa musique. Unique dans le paysage hexagonal, le Parisien fait sonner la langue française comme on n’avait plus entendu depuis Bashung. Rajoutez à ça une appétence sans limite apparente pour la composition, la production et les arrangements dub, vous obtenez un premier EP totalement lunaire, entre critique acerbe de l’époque, poésie éthylique et fulgurances qui font la marque des écorchés en quête de grandeurs. Sans coup férir, Arthur Fu Bandini a sans doute commis le geste le plus idiosyncratique de l’année dernière avec ce disque dont on attend la suite avec impatience. FM
Theodora Bad Boy Lovestory (Maison Neptune x NBFD/Virgin Music France/Universal)
Mise en orbite par l’immanquable tube Kongolese Sous BBL fin 2024, la nouvelle star française (et pourquoi pas, bientôt, mondiale) a enfoncé le clou cette année avec la parution de son premier long-format : Bad Boy Lovestory. Grande odyssée syncrétique qui lorgne aussi bien vers la UK Bass, le rock anglais, les musiques vernaculaires congolaises, le baile funk, la variété française ou le bouyon antillais, la mixtape de Theodora est un feu d’artifice d’influences. Épousant la trajectoire cahoteuse de son autrice ayant grandi entre le Congo, la Grèce, la Seine-Saint-Denis ou les Antilles, Bad Boy Lovestory dessine surtout l’avènement d’un futur radieux pour la pop francophone. Porté par des textes conquérants ou impudiques, ce premier disque est le vecteur de l’engagement à toute épreuve de cette Boss Lady. TD
Laura Cahen De l’autre côté (PIAS)
Depuis Nord (2017), qui nous a fait découvrir son timbre ténu et vulnérable à la fois, on suit avec ferveur le parcours pop folk tout-terrain de Laura Cahen. Après les manifestations synthético-queers d’Une fille (2021), elle est partie littéralement De l’autre côté. C’est-à-dire outre-Manche, dans le studio du cofondateur de Tunng, Mike Lindsay, pour confectionner ce concept-album sous influence tant de Laura Marling que de Laurie Anderson et Big Thief. On y suit la fuite de deux amoureuses dans un monde qui a pris feu de toute part… De quoi résonner avec notre époque, mais sans être néanmoins anxiogène, puisque entourée de cordes et de synthés analogiques, Laura Cahen nous rappelle le pouvoir salvateur de l’amour. D’autant qu’elle a été ici épaulée par sa compagne, la compositrice et multi-instrumentiste Joséphine Stephenson. SR
Marie Davidson City of Clowns (Deewee/Because)
Lorsque Miley Cyrus l’a contactée pour lui demander d’utiliser les paroles de son morceau Work It, la musicienne montréalaise a cordialement décliné. Parce que ses textes sont trop engagés pour être interprétés hors contexte… Cependant, c’est d’abord le sens du beat de Marie Davidson qui nous a sauté·es à l’oreille, avec son premier album paru en 2014, Perte d’identité. Avec City Of Clowns, elle dynamite le dancefloor d’une electro ayant bénéficié de la production de Stephen et David Dewaele, les frères de Soulwax. Mais aussi de sa plume affûtée, interrogeant la mainmise sur nos quotidiens des hautes technologies et de l’IA autant que les injonctions du patriarcat. Quelque part entre techno et punk, Marie Davidson refuse de choisir son camp et nous fait danser, tête haute et poing levé. SR
Ino Casablanca Tamara (LCS Recordz/Warner Music France)
Actif depuis 2022 et la sortie de son EP Demna, l’artiste d’origine marocaine, né en Espagne et débarqué en France à l’âge de 12 ans, s’est complètement révélé au moment de la parution des singles son premier album, Tamara. Durablement marqué par sa trajectoire de vie et par sa découverte du rap français à l’adolescence, Tamara est le plus produit de cet enfant de la diaspora. Sur Tamara, porté par son flow nonchalant, Ino Casablanca inonde cette passion dévorante pour le rap de ses influences musicales nord-africaines et hispaniques. Bourrées de trouvailles imprévisibles, les productions d’Ino
Casablanca (et d’Osomexico) n’ont d’égales que les textes acérés de son auteur. Producteur autodidacte depuis ses 14 ans, ce premier disque témoigne d’ambition de ce nouveau venu dans le paysage du rap francophone. TD
Gabi Hartmann La Femme aux yeux de sel (27/29/Sony Music France)
Cette jeune femme dont les yeux de sel fondent à chaque larme versée s’appelle Salinda, et, le temps d’un récit d’apprentissage, parcourt le monde qu’elle va réinventer au fil de ses pérégrinations, tant intérieures que géographiques. Révélée par un premier album éponyme (et très prometteur) en 2023, Gabi Hartmann affirme aujourd’hui ses multiples tonalités, au-delà d’un terreau jazz qu’elle cultive avec élégance. Ayant vécu entre plusieurs continents, Gabi Hartmann profite de La Femme aux yeux de sel pour explorer, en français, espagnol et en anglais, les territoires de la chanson, de la pop, de la soul ou encore du folk. Sous ses allures sophistiquées, ce disque au grain très dense n’hésite pas à pointer du doigt la montée des extrêmes sur Le Lever du soleil, où elle invite notre Laurent Bardainne national et la flûtiste syrienne Naïssam Jalal. SR
Wallace Cleaver Merci (Boro/Epic Records/Sony Music)
Bien connu des suiveurs du rap francophone fans de freestyles Grünt, Wallace Cleaver s’est de nouveau illustré, fin 2024, avec un nouvel album : Merci. Largement plébiscité depuis la parution de baiser en 2023, le rappeur de 27 ans renoue ici avec ses productions minimalistes et son flow asséché, qui lui auront valu autant de fans que de détracteurs. Largement construites autour du piano, les productions fleuves de Merci accueillent idéalement le rap en flux de conscience de Wallace Cleaver (il a souvent témoigné de son amour pour Proust). Baladés entre une insondable tristesse auto-tunée, étalages de
souvenirs et de plaies ouvertes, couplets à la rage contenue, les remerciements du rappeur du Loir-et-Cher témoignent d’une obsession qui perce par lueurs éparses : l’espoir au bout du tunnel. TD