La paire new-yorkaise formée par Shanny Wise et Jackson Walker Lewis s’est imposée en une poignée de hits infectieux. Feu de paille ou authentique machine à tubes ? On fait le point dans l’attente d’un premier album.
Depuis la création de Fcukers en 2022, les performances scéniques de la formation américaine semblent provoquer un état d’euphorie chez qui les voit. Si ce it-band trop cool pour être vrai, originaire du quartier très huppé de Downtown New York, attire autant de curieux·ses que de personnes doutant de sa sincérité, son hédonisme contagieux finit toujours par rafler la mise, à mille lieues de la morgue poseuse qu’il laisse entrevoir.
Les récits partagés entre New York, Londres, Paris, Tokyo ou Los Angeles n’ont pourtant rien d’anodin : l’acte de naissance de Fcukers a été scellé sur scène. Le 17 mars 2023, le groupe s’y produit pour la première fois, quelques heures seulement après avoir publié ses premiers morceaux en ligne.
Organisateur de fêtes à ses heures perdues, Jackson, le producteur et bassiste, fait passer le mot dans le Tout-Brooklyn ; le Baby’s All Right de Williamsburg fera salle comble. Pour les trois indie rockeur·ses reconverti·es, Shanny Wise, Jackson Walker Lewis et Ben Scharf (qui a depuis choisi de se consacrer à ses études), l’expérience est émancipatrice au dernier degré. La bande transforme ses sémillantes expérimentations syncrétiques (entre refrains pop, electroclash, reggae dub, trip-hop ou house nineties) en carburant pour dancefloors.
Un réenchantement inespéré pour les trois musicien·nes qui entretiennent un rapport désabusé – sinon conflictuel – à l’industrie musicale, celle-ci les ayant recraché·es après quelques succès d’estime dans leurs aventures précédentes (sous le patronage d’El Michels Affair avec The Shacks pour Shanny, et avec Spud Cannon pour Ben et Jackson).
Jackson Walker Lewis, fan absolu des Chemical Brothers et digger à la fougue renouvelée, a dû reprendre un boulot alimentaire mais s’adonne à la production de musique électronique pour le fun. Avec une demo en poche – qui deviendra Homie Don’t Shake –, il reconnaît Shanny, devenue cogérante et barmaid d’un resto, et lui propose d’y poser sa voix.
Sur un sample de Beck lorgnant vers le groove d’ESG – et tout un fatras d’influences en forme de jeu de piste –, l’indolence et la voix traînante de Shanny, débitant des paroles absurdes dignes de l’époque bloghouse (“Silks real leathers fake/Say you’ll DJ at my wake/Blacked out show up late/Cause homie don’t shake”), font des miracles. Avec pour seule ambition de produire la musique la plus récréative possible, les deux bidouillent pendant des mois derrière l’ordinateur d’un home studio de fortune.
C’est sous l’impulsion de la copine de Jackson, bien plus organisée, que les morceaux foutraques, témoignant du goût de Wise pour le reggae et le dub et de celui de Walker Lewis pour la house filtrée, finissent par prendre forme. Nés dans l’un des épicentres de la musique indé, ces morceaux, ressuscitant l’énergie débraillée du début des années 2000, attirent rapidement l’attention.
James Murphy de LCD Soundsystem commande un remix, le groupe signe chez Ninja Tune, Julian Casablancas des Strokes, Clairo ou Beck se pointent à leurs concerts, Hedi Slimane les invite à se produire lors de la Fashion Week pour le défilé Celine, entre autres indicateurs faisant de vous les nouveaux·elles ambassadeur·rices d’une certaine idée du cool mondial. Avant un premier album qu’on espère à la hauteur des attentes, la paire semble rester hermétique aux sirènes d’une industrie qu’elle ne connaît que trop bien, trop heureuse de s’être enfin trouvé un Bon Bon espace de liberté après tant d’années.
En concert aux Eurockéennes de Belfort, le 5 juillet.