Du 24 au 29 juin, les collections homme printemps-été 2026 ont été présentées lors de la semaine de la mode parisienne. La façon de s’habiller en ville l’été a notamment été repensée.
Entre le retour discret de la tong – ce “string de pied” longtemps cantonné aux clichés du touriste – et l’apparition de foulards noués aux couleurs délicates, oscillant entre le café et la craie, plusieurs créateurs ont proposé des manières d’habiter l’été en ville autrement. Moins de baskets, moins de codes streetwear : à la place, un tailoring décontracté qui oscille entre Alain Delon dans Plein Soleil et les scouts de Moonrise Kingdom.
Les bandanas chez Hermès
Ici ce n’est pas le bandana rouge badigeonné d’étoiles racontant un cliché viriliste entre rock et moto cylindré. Cette saison chez Hermès, Véronique Nichanian, aux commandes de la mode masculine depuis 1988, réinvente le bandana : ici en soie imprimée, porté avec des vareuses amples ou des débardeurs souples, dans des tons vanille, bourgogne ou gris pierre. Leur fonction n’est plus d’affirmer, mais de nuancer, adoucir, texturer une silhouette estivale pensée pour la ville, où l’élégance n’est jamais ostentatoire. Hermès place le bandana comme signe de légèreté.
Le retour des tongs
Ce string de pied, longtemps cantonné au cliché du vacancier perdu avec un magnum sur la plage, a pourtant trouvé sa place dans les collections printemps-été 2026. On l’a vu chez Louis Vuitton, accompagné de déclinaisons de sacs toujours plus sophistiquées, mais aussi chez Hermès, dans une version urbaine plus épurée. Ici, il s’agit de nu-pieds en cuir, traversés d’un cordon discret séparant les orteils.
Chez Egonlab, la tong fait l’objet d’une collaboration avec Havaianas : elle se porte à la main, presque comme un accessoire fétichiste. De son côté, le créateur d’origine bulgare Kiko Kostadinov imagine une île mentale – une forme d’hétérotopie chromatique – où les couleurs (sable, vert, bleu) font écho aux chansons de Lana Del Rey. Ses tongs se portent avec des chaussettes techniques spéciales, pensées pour ne pas tout dévoiler. Il y a là une mise en scène du pied, entre pudeur et fétichisation discrète alors même que Rick Owens dévoilait en fin de semaine son compte OnlyFans dédié à ses pieds.
Le short mi-cuisse
Dévoilant la cuisse, le short s’aventure parfois aux frontières du sous-vêtement ou du pyjama. Chez Acne Studios, il prend la forme d’un rose layette, porté avec un sac verni ; chez Dries Van Noten, il devient cycliste, imprimé façon flacon de parfum, glissé sous de longs imperméables. Chez Louis Gabriel Nouchi, il se porte avec des bas noirs et vient perturber l’alignement sage de la chemise blanche et de la cravate. On retient la version en cuir café moka portée avec un long imperméable duquel s’envole une jambe nue. Chez Hed Mayner, enfin, il est léger, associé à un pardessus kaki ou une veste de costume oversize.
Mais la version la plus marquante de la saison est sans doute celle proposée par Anthony Vaccarello chez Saint Laurent. Le short s’inspire ici d’une photographie d’Yves Saint Laurent lui-même – non comme citation directe, mais comme évocation insistante. Anthony Vaccarello décline cette silhouette dans une palette évoquant les fards à paupières des années 1970 photographiés par Guy Bourdin : sable, bleu piscine, jaune moutarde ou violet clair.
À travers ces propositions, des codes historiquement associés au vestiaire féminin – couleurs, longueurs, matières – s’immiscent dans les collections masculines, comme autant de lignes de fuite dans une saison qui aurait pu sembler sage, commerciale ou attendue. Fin du quiet luxury ?
Les costumes d’enfance
Dans les films de Wes Anderson, certains adultes portent les mêmes costumes que les enfants, comme pour suggérer un monde inversé où l’innocence semble plus lucide que la maturité, et où les enfants apparaissent plus responsables que les adultes en perdition. En 2025, cette image résonne étrangement : le monde adulte semble lui aussi désorienté, entre radicalisation politique, polarisation numérique et crise des repères.
Plusieurs designers réactivent cette figure de l’enfance à travers des éléments vestimentaires qui convoquent les souvenirs d’un âge supposément naïf ou préservé. Chez Steven Passaro, qui s’impose saison après saison comme l’un des nouveaux visages du tailoring à la française, les références enfantines se logent dans les détails. Des chapeaux arrondis, des capes ceinturées et des cols serrés évoquent un rêve écossais, un amour de jeunesse figé dans le souvenir.
Marine Serre, quant à elle, poursuit son éloignement de l’imaginaire postapocalyptique qui a marqué ses débuts. Elle revisite explicitement les uniformes de scouts tout en les hybridant avec ses codes emblématiques, comme l’imprimé croissant de lune. L’enfance prend aussi un tour littéraire avec Le Petit Prince, présent chez 3.PARADIS à travers une collaboration officielle, mais également chez KidSuper, où la référence est intégrée dans un univers coloré et faussement naïf.
Le retour des bijoux
Néo bolo tie et colifichets détournés : une lanière de cuir façon cravate western chez Yohji Yamamoto, un collier de perles porté avec une veste Adidas opaline chez Wales Bonner, ou encore un fin pendentif orné d’une coccinelle s’articule à un néo-manteau Barbour de chasse chez Dior. Les ornements sont aussi présents aussi chez Lemaire, où le cou est cerclé de bijoux métalliques minimalistes. La collection joue sur des contrastes assumés : blousons courts côtoient pantalons amples ou évasés, vestes de cuir et matières fluides. Une grammaire ambivalente où des codes virilistes – bottes de boxe, lignes utilitaires – sont subtilement redéfinis par un travail de détail, dans lequel les bijoux prennent une place centrale. À travers eux, les assignations de genre vacillent.