Bien écrite et touchante, la série Netflix du créateur du “Jeu de la dame” ne nous a pas totalement séduit. Explications.
De 2003 à 2010, Cold Case : Affaires classées exhumait chaque semaine des crimes du passé, dans les pas d’une héroïne aux yeux clairs. C’était un autre âge des séries, basé sur la récurrence, l’éternel retour du même. Devant le titre français de cette nouveauté britannique de Netflix, Les Dossiers oubliés, on se plaît à imaginer un revival, comme si la série d’avant pouvait devenir elle-même un “cold case”, à réanimer fissa.
Il n’en est rien. Nous voilà non pas devant la suite, mais face à l’adaptation d’une saga policière du Danois Jussi Adler-Olsen. Seuls restent des yeux clairs, ceux d’un enquêteur de la police écossaise que la première scène nous montre pendant une intervention désastreuse. Ce type pas commode, joué avec une arrogance et une mélancolie communicatives par Matthew Goode (Stoker), termine avec une balle dans le corps, miraculeux rescapé d’une fusillade laissant un premier collègue mort et un autre handicapé. Carl Morck, c’est son nom, va tenter de réguler son stress post-traumatique en quittant le travail de terrain quotidien, pour se plonger dans des cas non élucidés, notamment celui d’une ancienne procureur qui s’est volatilisée plusieurs années auparavant.
Un récit policier à tiroirs
En deux temps trois mouvements, le vétéran américain Scott Frank (Minority Report, Logan, Le Jeu de la dame, excusez du peu) et la jeune Chandni Lakhani (Vigil), qui écrivent ensemble, dévoilent ce qui est arrivé à Merritt Lingard, trentenaire pugnace et tourmentée, menacée dans le cadre de plusieurs dossiers criminels. (Attention : mini-spoiler). Merrit n’est pas morte, elle est en réalité enfermée depuis quatre ans dans un caisson hyperbare géant, maintenue prisonnière par un homme et une femme qui lui veulent de toute évidence beaucoup de mal. Merritt vit dans le dénuement physique et émotionnel le plus total, même si dehors, là où le soleil ne brille que trop rarement, ce n’est pas beaucoup mieux. Ici, toute intimité semble toxique.
D’un côté, cette femme, qui évolue dans les quelques mètres carrés d’un espace clos sans lumière naturelle. De l’autre, ce flic, dont les bureaux ont été installés au sous-sol. Deux créatures en proie aux ténèbres, que la série filme en attendant le moment où elle et lui pourraient enfin se croiser. Une belle idée qui malheureusement, ne fait que traverser les neuf épisodes comme une donnée de base, sans véritable profondeur. C’est le souci de ces Dossiers oubliés que de toucher du doigt un monde dur, voire insupportable, gangrené par le mal que se font les familles et les amoureux·ses, sans aller très loin dans la psyché des personnages. Ils et elles deviennent les marionnettes d’un récit policier à tiroirs très classique.
Le talent anglo-saxon sous le vernis Netflix
D’une qualité d’écriture certaine, la série brosse une suite de portraits assez attachants, notamment du côté des flics, entre un réfugié syrien traumatisé par son passé et une femme dépressive en quête de sens. C’est un monde de léger·ères détraqué·es, à tous les étages, que scrutent le créateur et la créatrice. La moindre scène anodine ou routinière peut se transformer en bonbon de swing et de mauvais esprit, ce qui ne fait jamais de mal. Ainsi va le talent anglo-saxon des séries, que même Netflix n’arrive pas à tuer.
Pour le reste, on en aimerait beaucoup plus. Que la série aille au bout de sa noirceur, par exemple, plutôt que de verser dans le grotesque quand il s’agit de montrer les méchants de l’histoire. Les Dossiers oubliés ressemble finalement à une occasion manquée, même si tout n’est pas nul, loin de là. Paradoxe contemporain ? Certaines séries sont à la fois passionnantes et ratées. Le fameux “en même temps” appliqué à la fiction.
Les Dossiers oubliés avec Matthew Goode, Chloe Pirrie, Jamie Sives – sur Netflix
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