La quatrième saison de la série culinaire qui a fait de Jeremy Allen White une star s’est terminée dans la grâce et l’espoir que le monde change. Notre recap 100 % spoilers.
Pour être honnête, on a connu des moments de doute avec The Bear, aussi puissants que notre amour. Quelque chose nous captivait, un art du mouvement, une manière de faire de la cuisine une métaphore du lien, dans ce restaurant de Chicago rempli d’âmes paumées espérant vivre mieux. Mais la création de Christopher Storer se noyait parfois dans sa propre énergie-mélancolie. Nous étions alors les témoins gênés des aventures de Carmy, Syd, Richie et les autres, engoncé·es dans leurs excès. On sentait trop d’assaisonnements dans le plat, pour résumer.
On a fini par comprendre, autour de la fin de la deuxième saison, que The Bear noyait le poisson. Son vrai sujet n’avait rien à voir avec les belles assiettes modernes du chef, ni même avec le fait de nourrir les autres pour se nourrir soi-même, et pas seulement avec l’auscultation d’une famille dysfonctionnelle. Le vrai sujet de la série, c’était le temps. Qui reste, qui passe, qui s’écoule, qui tue. “Every second counts” – “Chaque seconde compte”. La phrase est apparue durant la saison 2. Elle n’a plus quitté The Bear qui en a fait son pilier, allant jusqu’à installer un très explicite compte à rebours dans la cuisine du restaurant, au premier épisode de cette dernière saison – mise en ligne en intégralité le 27 juin.
Une question de temps
Il s’agissait au départ d’une idée de l’actionnaire, l’oncle Jimmy, rappelant que l’avenir de The Bear (le nom de l’établissement) tenait à un fil, dans un contexte économique post-Covid. Si les chef·fe.s ne redressaient pas la barre dans le temps imparti, il faudrait mettre la clef sous la porte. Mais il était question de davantage que la simple survie d’un business. Le dernier épisode l’a confirmé. Écrit et réalisé par Christopher Storer lui-même, il s’intitule sobrement “Adieu”.
À l’unité de lieu – une allée à l’arrière du restaurant – s’est ajoutée une unité de temps, tout se passant en une trentaine de minutes et dans un seul geste, une conversation entre Syd et Carmy, avant l’arrivée de Richie et finalement de Nat. Une personne au départ, quatre à l’arrivée : comment mieux résumer l’esprit communautaire de la série ?
Cette saison s’est montré capable de prendre son temps. Celui d’écouter les un·es et les autres exprimer ce qu’ils et elles n’arrivaient pas toujours à formuler. Il a été question des funérailles de Michael, le frère de Carmy. Ce dernier a finalement avoué y avoir assisté, de loin, la douleur étant trop forte. Il a laissé les autres seul·es et s’en veut. Sa contrition commence.
Déboulonner les statues trop envahissantes
Dans cet épisode, filmé comme un drame sec, un précipité de tous les affects de la série, le plus émouvant reste sans doute le geste définitif de Carmy, sa décision de quitter le restaurant, en reconnaissant que le navire voguera mieux sans lui et ses difficultés relationnelles, son incapacité à avancer hors du chaos. Pour saisir cela, il lui aura fallu quatre saisons. Quatre saisons pour qu’un héros travaille sur son autocritique – une question temporelle, devenue existentielle. Un exemple de ce dont les meilleures séries sont capables, suivant les transformations humaines les plus lentes à accoucher.
Le chef-artiste se retire car il sait que d’autres (et notamment la surdouée Syd) prendront sa place sans que le monde ne s’écroule. Cela ne passe pas aisément. Même le panache de ce retrait énerve ses camarades, qui y voient d’abord une sortie trop calculée. Mais le ton change au cours de l’épisode, jusqu’à l’acceptation – de chaque côté de l’écran.
On retient au même moment le message envoyé par The Bear à notre époque. Christopher Storer entend le désir ambiant de déboulonner les statues trop envahissantes et certaines figures masculines d’artistes torturés. D’une humilité et d’une simplicité parfaites, ce dernier épisode nous a appris que faire “sans” est presque toujours une option viable.
The Bear, épisode final. À voir sur Disney+.